Comment améliorer le dépistage précoce des cancers ? La biopsie liquide, en recherchant des mutations cancéreuses dans l'ADN circulant, se présente depuis quelques années comme un nouvel outil potentiel.
Des chercheurs américains coordonnés par Anne-Marie Lennon du Sidney Kimmel Cancer Center à la faculté de médecine Johns Hopkins (Baltimore) ont testé la faisabilité d'un test multicancer baptisé Cancer SEEK sur une année chez plus de 10 000 participants âgés de 65 à 75 ans sans antécédent. Seules des femmes ont été incluses afin de recueillir des données sur les cancers de l'ovaire, qui peuvent être guéris à l'aide d'une chirurgie très précoce mais restent aujourd'hui sans dépistage.
L'objectif de cette étude de grande ampleur, appelée DETECT-A, était de vérifier que le test multicancer permet de détecter des cancers non dépistés autrement, tout en s'assurant que la biopsie liquide n'entraîne pas un grand nombre d'examens invasifs inutiles pour le suivi, ni une désaffection pour le dépistage standard, comme la mammographie. Un PET-TDM était réalisé en cas de test positif à la fois pour confirmer le résultat et pour localiser les cancers.
Participation inchangée au dépistage standard
Au cours de DETECT-A, 96 cancers ont été diagnostiqués au cours des 12 mois de l'étude. Parmi eux, 26 ont été détectés par la biopsie liquide, 24 par le dépistage standard et 46 par un autre moyen. Le nombre de mammographies réalisées n'a pas significativement changé par rapport aux années précédentes, faisant suggérer aux auteurs qu'un tel test peut être intégré dans la pratique clinique, ce dernier n'ayant pas vocation à remplacer les dépistages standards.
Le test Cancer SEEK consiste à rechercher des mutations cancéreuses dans l'ADN circulant plasmatique. Outre la recherche de ces anomalies dans des régions précises de 16 gènes, le test comprend également le dosage de biomarqueurs tumoraux (tels que le CA-125, l'ACE, le CA-15-3, le CA19-9 ou l'HGF). Afin de garantir une spécificité élevée, les seuils retenus pour ces biomarqueurs étaient plus élevés que ceux habituellement considérés comme anormaux. Dans l'étude, un deuxième test de confirmation était réalisé chez les participants au premier test positif.
Dans l'étude, sur les 26 cas de cancers détectés par biopsie liquide, il y avait neuf cancers du poumon, six cancers de l'ovaire et deux cancers colorectaux et les deux tiers (n = 17, 65 %) étaient à un stade localisé ou régional. Sur l'ensemble, 15 participantes ont eu un PET-TDM et neuf tumeurs ont été retirées par chirurgie. Onze patientes sont en rémission et neuf sont en cours de traitement ou présentent une maladie stable.
À évaluer sur le long terme
De l'avis même des auteurs, cette étude n'est qu'une étape dans le processus de validation de la biopsie liquide dans le dépistage. Les performances méritent d'être améliorées, puisque 46 cancers n'ont pas été initialement détectés par le test sanguin. À ce sujet, les auteurs citent d'autres tests multicancer, basés sur les changements épigénétiques de l'ADN ou de la chromatine, qui pourraient lui être associés afin d'améliorer la performance.
Mais plus que tout, les scientifiques appellent à un suivi à plus long terme, annonçant qu'une étude à cinq ans est prévue. « Aujourd'hui, on ne peut pas être certain que le test sanguin DETECT-A utilisé ici a aidé quiconque, concèdent les auteurs. Il est possible qu'aucun de ces cancers initialement détectés par ce test n'aurait donné de symptômes ni entraîné de décès. Il en va de même pour les cancers détectés par dépistage standard », ajoutant que « Bien que théoriquement possible, cette hypothèse n'est pas cohérente avec le fait que chaque cancer métastatique à un stade avancé commence par un cancer de stade I ».
AM Lennon et al. Scie Trans Med. doi/10.1126/science.abb9601
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