Le NHS ne rembourse pas les médicaments coûteux

La France se refuse à imiter l’exemple anglais

Publié le 13/01/2009
Article réservé aux abonnés

Emoi outre-manche, où le NHS (National Health Service) refuse parfois le remboursement des médicaments innovants, même quand ils sont efficaces dans le cadre de pathologies pouvant mettre en cause le pronostic vital.

Le dernier exemple en date est celui du Sutent (Sunitinib), un inhibiteur oral multi-kinases présentant un double mécanisme d’action : un effet antitumoral direct bloquant la prolifération cellulaire, et un effet antitumoral associé à une action anti-angiogénèse. Les media anglais et français se sont récemment émus du cas de plusieurs patients souffrant d’un cancer du rein, et

s’étant vus refuser le remboursement du traitement par Sutent, au motif que le gouvernement demande au NHS de calculer « la rentabilité du traitement » et non seulement son service médical rendu. Une sorte d’évaluation médicoéconomique poussée à l’extrême.. Un père de famille anglais filmé par France 2 expliquait ainsi le week-end dernier que les économies de sa famille étaient mises à contribution pour payer son traitement, valant environ 3 500 euros par mois.

Pourtant, en France, l’avis de la commission de la transparence (une des instances de la Haute autorité de Santé, chargée d’évaluer les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché, et de donner un avis sur leur prise en charge par la Sécurité sociale en appréciant leur service médical rendu) est très clair sur le Sutent : « la médiane de survie sans progression a été significativement améliorée de 6,3 mois (11,8 mois dans le groupe Sutent versus 5,5 mois dans le groupe Interféron Alpha) ». L’avis parle également d’ « amélioration statistiquement et cliniquement significative de la qualité de vie » et se conclut par « le service médical rendu est important (ASMR II) ».

Dans l’hexagone le circuit d’admission d’un médicament est bien rôdé : c’est l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) qui décide ou non de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une fois cette autorisation accordée, et si l’industriel en fait la demande, c’est à la commission de la transparence qu’il revient de décider ou non de son admission au remboursement par la sécurité sociale. Enfin, le CEPS (Comité économique du médicament, présidé par Noël Renaudin) fixe le prix de ce médicament, après négociation avec l’industriel concerné. Le circuit d’un nouveau médicament passe ainsi par trois organismes indépendants les uns des autres.

« L’honneur du système français ».

Ce problème de prise en charge en France des médicaments coûteux avait été évoqué par le Pr Gilles Bouvenot, patron de la commission de la transparence, lors des journées de la HAS organisées à Paris le 18 décembre dernier. Gilles Bouvenot avait alors été très clair sur l’avenir du système de prise en charge français : « lorsque la commission de la transparence évalue un nouveau médicament, elle le fait indépendamment de toute préoccupation comptable. Le prix qui en découlera n’est pas son affaire, et nous n’avons pas pour habitude de sous-évaluer un médicament sous prétexte de faire des économies. Tant que les missions de la HAS resteront ce qu’elles sont, il en ira de même, et c’est l’honneur du système français ». Des voix s’étaient bien élevées pour rappeler à Gilles Bouvenot que le PLFSS 2 008 a donné à la HAS des compétences médico-économiques, mais Gilles Bouvenot avait balayé ces craintes : « Nous ne pouvons exercer ces compétences médicoéconomiques que dans le cadre d’une réévaluation

d’un médicament, dont nous connaissons donc le prix. Pour les nouveaux médicaments, le prix

n’est pas encore fixé, nous ne pouvons donc faire d’évaluation médicoéconomique ».

Mais Gilles Bouvenot n’en était pas moins lucide : « Tant que les règles du jeu resteront les mêmes, il est clair que les nouveaux médicaments à ASMR I ou II seront de plus en plus coûteux ».

Joint par « Le Quotidien », Noël Renaudin, président du CEPS, donne son sentiment sur cette affaire : « En France, nous considérons qu’il y aurait une injustice à priver de médicaments existants des malades pour lesquels ces médicaments constituent une chance. Le CEPS regarde, comme le prévoit la loi, l’amélioration du service rendu aux patients. Lorsqu’elle est significative, nous mettons tout en œuvre pour rembourser, et c’est le cas de Sutent. Il est cependant vrai que ce système ne pourra être maintenu que si l’escalade des prix s’interrompt. Le CEPS s’y emploie avec la conviction que c’est aussi l’intérêt à long terme des entreprises ». Transmis aux laboratoires pharmaceutiques qui savent déjà qu’ils ont affaire, avec Noël Renaudin, à un interlocuteur exigeant. Mais le patron du CEPS donne aussi son sentiment général sur cette affaire : « Les anglais refusent de prendre en charge un médicament quand l'année de vie en bonne santé gagnée grâce à lui coûte plus de 30 000 livres par an. Il est certes raisonnable de s'interroger, comme ils le font, sur la rentabilité des nouveaux médicaments, mais le caractère automatique de leur système est difficilement soutenable dans sa brutalité ».

Aux dernières nouvelles, et à la suite de l’émoi provoqué en Angleterre par cette affaire, des négociations viennent de s’ouvrir entre l’industrie pharmaceutique et le NICE (National Institute for health and Clinical Excellence) pour trouver une solution pour les patients dans l’impossibilité de s’offrir des traitements aussi coûteux.

HENRI DE SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr