LES QUELQUE 80 000 « filles Distilbène » (exposées in utero) sont-elles exposées à un surrisque de cancer du sein ? L’information sur le DES (diéthylstilbœstrol), commercialisée en France sous les noms de Distilbène par UCEPHA (aujourd’hui UCB Pharma) et Stilboestrol-Borne par Borne (aujourd’hui Novartis) est encore lacunaire, 40 ans après les premières alertes. C’est en 1971 qu’apparaissent des cas d’adénocarcinomes à cellules claires (ACC) du vagin ou du col utérin chez des femmes de 14 à 22 ans, dont les mères ont pris du DES durant la grossesse.
Pour le cancer du sein, une première étude cas-témoins, publiée en 2006 par une équipe américaine montre un surrisque (x 1,9) chez les « filles DES » de plus de 40 ans. Pour les plus de 50 ans, le risque serait triplé. Mais en 2010, une étude néerlandaise qui établit une comparaison avec la population générale ne retrouve pas ce risque augmenté. Des différences entre les doses prescrites aux États-Unis (fortes) et aux Pays-Bas, l’âge des femmes, et les méthodes expliquent cette discordance.
Le témoignage Marie Darrieussecq.
La France, qui a déconseillé le DES aux femmes enceintes en 1977, six ans après les premières mesures outre-atlantique, n’a pas de données précises sur le risque de cancer du sein pour la deuxième génération. « On pensait que ces femmes, de plus de 40 ans aujourd’hui, en avaient fini avec les conséquences du Distilbène, (cancers spécifiques et les problèmes de fertilité). On veut savoir pour ne plus subir et agir », explique Anne Levadou, présidente du réseau DES France.
L’écrivaine et psychanalyste Marie Darrieussecq, marraine de l’association de patients, est elle-même une « fille DES ». « En 1983, lorsque j’avais 14 ans, ma mère a participé à une enquête de la MGEN. Elle s’est souvenue avoir pris du DES. Le médecin de famille m’a dit que je n’aurais peut-être pas d’enfants. Plus tard, je suis passée de gynéco en gynéco, certains me traitant d’hystérique, d’autres étant plus inquiets. À 30 ans, j’ai essayé d’avoir des enfants, j’ai rencontré à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul le Pr Michel Tournaire et j’ai finalement eu 3 grossesses où j’ai dû être alitée, et des accouchements prématurés. J’ai adhéré à DES France après la naissance de mon premier fils. Beaucoup de médecins étaient dans le déni. Aujourd’hui, j’aimerais savoir quels sont les risques pour ma mère, moi et mes enfants », témoigne-t-elle.
Question de doses.
L’étude épidémiologique lancée par l’association s’intéressera au cancer du sein, mais recherchera aussi les pathologies pour les 3 générations (mères, enfants exposés in utero, et petits-enfants). « Pour la première génération, il pourrait y avoir un risque d’une augmentation du cancer du sein, liée à la prise d’œstrogènes. Pour la deuxième, il pourrait aussi y avoir des anomalies chez les filles, mais aussi chez les garçons, au niveau des testicules (cryptorchidie). Pour la troisième, l’inquiétude naît d’observations chez l’animal où les effets relèveraient des mécanismes des perturbateurs endocriniens. On soupçonne des anomalies de la verge chez les garçons, une régularisation des règles plus tardives chez les fillettes, et des restrictions de l’œsophage pour les deux sexes », explique le Pr Michel Tournaire, membre du conseil scientifique du Réseau.
Concrètement, des familles DES ainsi qu’un groupe témoin de femmes de 36 à 63 ans sont invités à remplir des questionnaires (spécifiques selon les profils), disponibles sur Internet (des-etude3generations.org) ou sur demande auprès de Réseau DES France*. Le 1er septembre 2013 commencera le dépouillement et l’analyse des données par le Dr Anne Cabau, gynécologue, l’épidémiologiste Emmanuel Devouche, le Dr Sylvie Epelboin, obstétricienne responsable d’une consultation DES à l’hôpital Bichat, l’oncologue Marc Espié (Saint-Louis), et le Pr Tournaire.
Objectif, 2 000 questionnaires.
Selon Emmanuel Devouche, l’enjeu est de récolter au moins 2 000 questionnaires de filles DES. Une question porte sur la durée de la prise de DES pour déterminer les doses, qui seraient moindres en France qu’aux États-Unis. La mutualité Française soutient l’étude et diffusera l’information dans les centres de santé et les 60 pharmacies mutualistes. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) la finance à hauteur de 40 millions d’euros sur un an. Le projet du Réseau DES France fait partie des 9 études sélectionnées par l’ANSM sur 39 dans le cadre d’un appel à projet lancée en 2012 en direction des associations de patients.
*Réseau DES France : 05.58.75.50.04 ou 1052 rue de la Ferme-de-Carboué, 40 000 Mont-de-Marsan.
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