Alors que Mars bleu vient de débuter, une enquête menée auprès du grand public par la Société nationale française de gastroentérologie (SNFGE) apporte des enseignements précieux sur les tabous et méconnaissances des Français en matière de pathologies hépato-gastrointestinales. Ces données, qui expliquent en particulier les faiblesses de la participation au dépistage du cancer colorectal, sont exploitées dans le cadre d’une campagne de sensibilisation et de prévention grand public par la société savante.
Selon ce travail mené auprès de 1 000 personnes, 96 % des Français connaissent l’existence du test de dépistage du cancer colorectal, mais en pratique il n’a été réalisé au moins une fois par seulement 68 % de la population interrogée. En 2022, les données de l’Institut de veille sanitaire indiquent que seulement un tiers (34,2 %) des patients éligibles s’est fait dépister (6,2 millions sur 17,9 millions de personnes éligibles) et sur les 201 775 tests positifs, seulement 166 666 personnes (soit 82,6 %) ont réalisé une coloscopie. Pour rappel, pour que le dépistage soit pertinent d’un point de vue de santé publique, il faudrait que 45 % de la cible se dépiste et que 90 % des tests positifs débouchent sur une coloscopie.
Gêne et peur du résultat
D’après les résultats de l’enquête, cette faible participation s’explique de plusieurs manières. « Deux tabous perdurent notamment : le caractère gênant de la collecte des selles et la peur du résultat sont toujours très présents », explique la Dr Isabelle Rosa (CHI de Créteil), présidente de la SNFGE. Ainsi, 32 % des personnes interrogées sont d’accord, à divers degrés, avec l’affirmation selon laquelle il est gênant de collecter ses propres selles. En outre, 18 % souhaitent ne pas connaître le résultat, tandis que près d’un quart des participants affirme préférer recourir directement à une coloscopie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’idée selon laquelle une coloscopie est inutile en l’absence de symptômes est encore tenace, puisqu’elle est partagée par 45 % des personnes interrogées. « Le médecin généraliste peut prescrire des dépistages en cas de symptômes ou d’antécédents familiaux, rappelle le Pr Christophe Cellier de l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). La survenue de l’âge du cancer dans la famille peut être un argument pour entrer dans une démarche de dépistage avant 50 ans. »
La coloscopie génère une appréhension chez sept personnes sur 10 : 21 % redoutent la purge préalable, 10 % craignent l’anesthésie, tandis que les craintes de douleurs et la peur des complications sont également énoncées par les personnes interrogées. « Il faut faire passer le message que l’endoscopie est maintenant curative puisqu’on retire les polypes en même temps qu’on les repère », insiste la Dr Rosa. Autre facteur réduisant la portée du dépistage : l’idée ancrée chez 12 % des personnes interrogées que le test de dépistage ne concerne que les hommes. « Cette idée a eu tendance à reculer ces dernières années », analyse la Dr Rosa.
Brochure et vidéo
À l’occasion de Mars bleu, et dans le cadre de la campagne de promotion de la SNFGE, une brochure « Cooloscopie » a été publiée par la société savante afin de mieux expliquer au grand public le déroulement d’une coloscopie et la manière d’en apprécier les résultats.
Les tabous poursuivent les patients jusqu’en consultation, puisque 29 % des personnes interrogées expriment des réticences à décrire leurs selles ou à évoquer des problèmes de constipation ou d’incontinence avec un hépato-gastroentérologue. La peur d’être sale lors de l’examen, la peur de parler de ballonnements ou de gaz intestinaux sont aussi présents chez environ une personne sur cinq.
Toujours dans le cadre de sa campagne de communication, la SNFGE publiera tout au cours de l’année des vidéos portraits thématiques visant à briser ces tabous. La première d’entre elles, mise en ligne la semaine passée, était consacrée au dépistage du cancer colorectal.
Une spécialité mal cernée
Les Français restent encore peu au fait de l’étendue des pathologies de la sphère hépato-gastrointestinale. Dans l’enquête de la SNFGE, les cancers sont évoqués spontanément par 62 % des personnes interrogées, mais avec une connaissance assez limitée des types exacts concernés. Viennent ensuite la gastro-entérite (26 %) les hépatites (18 %), la maladie de Crohn (17 %) et l’ulcère (12 %). Des pathologies comme l’ictère, l’occlusion ou la maladie cœliaque sont citées par moins de 5 % des personnes interrogées.
Le SNFGE constate toutefois que les messages de prévention sont de mieux en mieux intégrés : 88 % des personnes savent qu’une alimentation riche en fibres, fruits et légumes limite le risque de cancer colorectal et 93 % ont assimilé le rôle du stress dans la santé intestinale. En revanche, un travail de fond reste nécessaire pour combattre un certain nombre d’idées fausses : 65 % des personnes interrogées estiment que le nettoyage du côlon (via des régimes ou une hydrothérapie colique) contribue à détoxifier l’organisme, ce qui ne repose sur aucune base scientifique solide.
Une grande majorité des personnes interrogées croient encore que les aliments épicés peuvent provoquer des ulcères, alors qu’ils n’ont pas d’effet direct sur le risque d’infestation à Helicobacter pylori. « En revanche, ils provoquent des douleurs révélatrices d’un ulcère déjà installé », précise la Pr Sabine Roman (hôpital Édouard Herriot de Lyon) secrétaire générale de la SNFGE. Enfin, près de la moitié des personnes interrogées adhèrent à l’idée que l’absorption d’eau pendant le repas gêne la digestion.
Les communications chocs de la Ligue et #DepisteTesDarons
« Va chier ! ». La ligue contre le cancer n’y va pas avec le dos de l’écouvillon dans sa campagne d’incitation des Français à participer au dépistage organisé du cancer colorectal. Le message est clair : « Va chier. Dites-le à ceux que vous aimez, ça peut leur sauver la vie. Le dépistage du cancer colorectal, c'est simple, c'est gratuit, ça prend une minute, ça se fait à la maison, et c'est tous les 2 ans à partir de 50 ans. »
La fondation A.R.CA.D (Aide et Recherche en Cancérologie Digestive) a recruté la Dr Marine Lorphelin (généraliste, présentatrice télé et miss France 2013) et l’humoriste Titoff pour lancer la campagne #DepisteTesDarons. Comme le suggère son nom, cette campagne s'adresse aux jeunes pour qu'ils poussent leurs parents à se faire dépister avec un slogan : « Si tu ne te dépistes pas pour toi, dépiste-toi pour moi ! ».
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