Face à un cancer du sein métastatique hormonodépendant, la prise en charge de première ligne est fondée sur l’association d’un antiaromatase et d’un inhibiteur de CDK4/6, mais l’apparition de résistances à l’hormonothérapie est fréquente puisque, dans 40 % des cas, des mutations activatrices du gène du récepteur aux œstrogènes (ESR1) surviennent en cours de traitement.
Pour améliorer le pronostic, ces mutations pourraient être détectées précocement, avant toute ré-évolution clinique de la maladie, afin d’adapter au plus tôt le traitement, en y introduisant des inhibiteurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (Serd). Cette stratégie a déjà été évaluée en 2022 par l’étude française Pada-1. L’administration, dès la détection de nouvelles mutations d’ESR1, d’un Serd, le fulvestrant, s’était soldée par une réduction de près de 40 % du risque d’évolution du cancer.
Soit une première preuve de l’intérêt et de la faisabilité d’un nouveau concept « d’interception des résistances ».
Interception des résistances dans le cancer du sein métastatique hormonodépendant
Restait toutefois à évaluer cette stratégie à plus large échelle, en phase 3. C’était l’objet de l’essai international randomisé en double aveugle Serena-6. 3 256 patientes atteintes de cancer du sein métastatique ER-positif et HER2 négatif, déjà traitées par au moins six mois d’anti-aromatase et d’inhibiteur de CD4/6 (palbociclib, ribociclib ou abemaciclib), et sans mutation d’ESR1 lors de leur inclusion, ont été soumises tous les deux à trois mois à un dosage de l’ADN tumoral circulant (ctDNA), à la recherche de mutations d’ESR1 de novo.
Lors de ce suivi, l’apparition d’une mutation ESR1 a été détectée chez 315 participantes. Les patientes concernées ont alors été randomisées en 1:1 pour recevoir soit un inhibiteur de CD4/6, un placebo à la place de l’antiaromatase, et un Serd, le camizetrant (75 mg/j), soit un inhibiteur de CD4/6 avec maintien de l’anti-aromatase plus un placebo.
Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, suggèrent une efficacité significative du switch vers le camizetrant (1). En effet, à un peu plus de 12 mois, la durée de survie sans progression médiane atteignait 16 mois dans le groupe camizetrant, contre 9 mois dans le groupe antiaromatase, soit un HR de 0,44. Autrement dit, souligne l’Institut Curie, « les patientes recevant le camizestrant ont vu leur risque d’évolution du cancer diminué de 56 %, repoussant d’environ six mois en moyenne le temps jusqu’à première ré-évolution ». Dans le même esprit, le taux de survie sans progression dépassait 60 % à 12 mois dans le groupe camizetrant, contre 33,4 % dans le groupe aromatase. Et une différence de presque 15 points de pourcentage du taux de survie sans progression se maintenant à deux ans.
Cette efficacité se soldait bien par une amélioration de la qualité de vie des patientes. Comme l’indique la publication : a durée médiane avant détérioration de l’état de santé des patientes et de leur qualité de vie était de 23,0 mois avec le camizetrant, contre de 6,4 mois avec un inhibiteur de l’aromatase (HR = 0,53).
Le tout, pour un profil de tolérance acceptable : seules 1 à 2 % des patientes ayant arrêté le traitement pour effets indésirables dans chaque groupe.
Cancer du sein triple négatif : prédire le risque de rechute avant traitement adjuvant
Toujours dans le cancer du sein, une autre étude française évoque un intérêt de la recherche d’ADN tumoral circulant après chirurgie ablative chez les personnes atteintes de cancer triple négatif. Pour rappel, la prise en charge au stade précoce de ce type de cancers repose sur l’administration d’une chimiothérapie néoadjuvante ; éventuellement accompagnée d’un inhibiteur de checkpoint ; puis sur une chirurgie. Puis, en fonction de la réponse pathologique obtenue, une seconde chimiothérapie, adjuvante, peut être proposée.
Problème : la réponse pathologique, locale, « ne renseigne pas sur la présence de micrométastases à distance », soulignent les auteurs de l’étude (2), qui ont souhaité évaluer la capacité d’un test ultrasensible basé sur la détection d’ADN tumoral à combler cette lacune.
Dans cet objectif, 279 échantillons de plasma ont été recueillis, provenant de 84 patientes de la cohorte Scandare, atteintes de cancer du sein triple négatif ayant eu une chimiothérapie néoadjuvante. Ces échantillons ont été analysés avant, pendant et après la chimiothérapie néoadjuvante, et en postopératoire. Le test pratiqué recherchait un panel de 18 000 variants à partir du séquençage du génome entier de la tumeur.
Conclusion, ce test, en particulier quand il conduit après la chimiothérapie néoadjuvante mais avant l’opération, permettait de mieux prédire le risque de rechute chez les patientes : 60 % des patientes dont le test d’ADN tumoral circulant était positif ont bien développé des métastases à distance, contre 10 % des patientes négatives au test. Par ailleurs, tous les échantillons de plasmas issus de patientes n’ayant pas rechuté au cours de l’étude étaient bien négatifs au test.
Ce test a donc permis donc de mieux évaluer la nécessité d’orienter les patientes, ou non, vers une chimiothérapie adjuvante après chirurgie. Avec, en ligne de mire, une potentielle désescalade pour certaines femmes.
Vers une nouvelle méthode de dépistage du cancer colorectal
Au-delà du cancer du sein, une autre application des tests de détection de l’ADN tumoral circulant concerne le dépistage du cancer colorectal. Alors que la participation à ce dépistage, tel qu’il est proposé actuellement, reste sous-optimale, de nouvelles méthodes de repérage fondées sur des tests sanguins pourraient changer la donne.
Une équipe a évalué aux États-Unis les performances d’un tel test sanguin, fondé sur la détection d’ADN tumoral circulant, chez un peu plus de 27 000 adultes asymptomatiques âgés de 45 à 85 ans, dont 56 % de femmes, sans facteur de risque particulier de cancer colorectal (3).
Le test permettait de repérer les cas de cancers colorectaux avec une sensibilité de 79,2 % et une spécificité de 91,5 % pour les cancers colorectaux avancés. La valeur prédictive négative du test pour les cas de cancer avancés était de 90,8 %, et la valeur prédictive positive de 15,5 %. Ainsi, les critères de jugements principaux étaient tous remplis.
Cependant, les performances du test laissaient à désirer en termes de détection des lésions précancéreuses avancées, avec une sensibilité de seulement 12,5 %.
(1) François-Clément Bidard, Erica L. Mayer, Yeon Hee Park, et al. First-Line Camizestrant for Emerging ESR1-Mutated Advanced Breast Cancer. NEJM. published June 1, 2025
(2) Luc Cabel, Constance Lamy, Kathleen Keough, et al. Ultrasensitive circulating tumor DNA (ctDNA) detection for prognostication in triple-negative breast cancer (TNBC) post-neoadjuvant chemotherapy (NAC). Journal of Clinical Oncology. Volume 43, Number 16 suppl
(3) Aasma Shaukat, Carol A. Burke, Andrew T. Chan et al. Clinical Validation of a Circulating Tumor DNA–Based Blood Test to Screen for Colorectal Cancer. JAMA. Published online June 2, 2025
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