« LES EXPERTS de l’INCa ont compilé les nombreux travaux publiés sur le dépistage organisé du cancer du sein pour éclairer les bénéfices, limites et risques du dépistage, et aussi pour répondre aux différents aspects polémiques qui ont été soulevés », explique au « Quotidien » le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins à l’Institut national du cancer. Trois questions leur étaient posées dont celle du surdiagnostic. « Le surdiagnostic est inhérent à toute démarche de dépistage et pour tous les cancers », souligne le Dr Viguier. Il correspond au diagnostic de réelles lésions cancéreuses qui n’auraient jamais été diagnostiquées en dehors d’un dépistage et n’auraient jamais donné de symptômes du vivant de la personne. Ces surdiagnostics ont des conséquences psychologiques négatives pour les patients et sont à l’origine de surtraitements, l’ensemble des lésions détectées faisant l’objet d’un traitement.
Cancers peu évolutifs.
Deux situations peuvent conduire à ces diagnostics en excès : les cancers peu ou pas évolutifs dits indolents ; l’existence d’une cause compétitive de mortalité (décès intercurrents par une autre cause, accident, infarctus… ce qui enlève l’intérêt d’avoir dépisté un cancer du sein).
Le surdiagnostic concerne principalement les carcinomes in situ représentent environ 15 % de l’ensemble des cancers dépistés. On estime qu’environ 1/3 seraient susceptibles de ne pas évoluer, les autres évoluant vers un cancer invasif.
Le surdiagnostic est une notion épidémiologique, évaluable avec du recul. On peut l’approcher en estimant par modélisation le nombre de cancers trouvés par le dépistage en plus du nombre de cancers qui se seraient révélés par des symptômes. Globalement, les estimations du surdiagnostic font état d’une fourchette de 10 à 20 % de l’ensemble des cancers diagnostiqués. « Mais ceci veut aussi dire que l’on a raison de traiter 80 à 90 % des cancers diagnostiqués qui, sinon, vont évoluer, envahir le sein, voire donner des métastases », indique Jérôme Viguier. Par ailleurs, ces petits cancers sont plus faciles à traiter et leur traitement, plus efficace, expose à moins de séquelles.
Certaines études trop précoces ont révélé des estimations bien plus élevées de ces surdiagnotics. Toutefois, le spécialiste de l’INCa indique qu’il est nécessaire de faire une estimation en tenant compte des résultats de plusieurs années, pour éviter de surestimer. « Pour approcher cette notion de surdiagnostic, il faut tenir compte du fait que lors du démarrage du programme de dépistage, sont surtout diagnostiqués des cancers qui se seraient rapidement révélés et des cancers qui, selon leur cours évolutif, seraient devenus apparents au cours des années suivantes », précise-t-il. Aujourd’hui, avec une dizaine d’années de recul, l’estimation du surdiagnostic est bien de 10 % (le plus souvent), voire de 20 %.
Les experts de l’INCa se sont également penchés sur l’autre controverse à propos du dépistage du cancer du sein, la survenue potentielle de cancers radio-induits liés à la répétition des mammographies. Le risque se situe entre 1 à 20 pour 100 000 femmes dépistées, ce qui correspond in fine à 1 à 5 décès pour 100 000 femmes dépistées. Toutefois, l’existence d’un risque même faible incite à respecter un principe de précaution d’autant qu’il est susceptible d’augmenter lorsque les mammographies sont réalisées plus tôt et plus fréquemment. « Aussi, en dehors d’un facteur de risque existant chez la femme, il n’y a pas d’indication pour réaliser des mammographies avant 50 ans et plus souvent que tous les deux ans », relève le Dr Viguier. Le facteur de risque est fonction d’un cumul de doses au cours de la vie. Plus on commence tôt dans la vie les mammographies sur un sein qui est radio sensible, et plus on les réalise fréquemment, plus le risque de développer un cancer radio-induit augmente.
Dans le calcul du rapport bénéfice/risque, le risque de cancers radio-induits doit être mis en regard du nombre de vies sauvées. « De 150 à 300 décès pour 100 000 femmes dépistées sont évités », rappelle le Dr Viguier.
Baisse de la mortalité.
L’objectif du dépistage par mammographie est de réduire la mortalité par cancer du sein. Les différentes méta-analyses et évaluations des esais randomisés publiés à ce jour donnent des résultats concordants. Globalement, le programme de dépistage du cancer du sein a un effet bénéfique sur la mortalité même si l’impact est moindre que dans les premières études nordiques (réduction de 30 à 35 % de la mortalité). « Les dernières analyses montrent une réduction, de l’ordre de 15 à 20 % de la mortalité par CS pour l’ensemble de la population invitée à faire le dépistage (entre les auteurs les plus sceptiques et les plus convaincus) », précise le Dr Viguier. Si on considère uniquement les femmes qui font réellement le dépistage, le risque de mourir d’un cancer du sein est diminué de 33 %.
Le CS atteint une femme sur 8 au cours de sa vie, et est responsable de 12 000 décès par an. Le rapport bénéfice/risque est en faveur du dépistage même s’il existe un sur-diagnostic. « Dans 80 à 90 % des cas on ne se trompe pas en traitant les cancers dépistés », insiste le Dr Viguier. Selon lui un autre facteur important est trop rarement pris en compte par les détracteurs du programme, c’est la diminution de la morbidité puisque l’avantage des diagnostics à un stade précoce, permis par le dépistage, c’est d’éviter des traitements lourds - curages ganglionnaires, ablations totales - et leurs séquelles.
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