La « cardiologie du futur » constituait le fil conducteur des 25es Journées européennes de la SFC. Alors que le développement de nouvelles molécules semblait être au point mort, il pourrait en fait se renouveler grâce à la thérapie génique voire aux nanoparticules. Mais c’est le domaine de l’interventionnel et de la chirurgie cardiaque qui attire tous les regards, du cœur artificiel au pace maker sans sonde…
Sans surprise, la conférence exceptionnelle du Pr Alain Carpentier dédiée au cœur artificiel a constitué un des moments forts des Journées européennes de la Société Française de Cardiologie (Paris, 15-18 janvier 2014).
Mais cette innovation – largement médiatisée – n'est pas la seule susceptible de bouleverser la vie des malades et « les avancées qui se profilent non seulement dans les prothèses implantables mais également dans l'imagerie, la biologie génétique et la télémédecine vont avoir un impact sur le traitement de nombreuses pathologies cardiaques », estime le Pr Albert-Alain Hagège, président de la SFC.
Concernant le cœur artificiel, si peu de nouvelles ont filtré durant le congrès au sujet du premier patient implanté le 18 décembre par l'équipe du Pr Latrémouille (HEGP), le Pr Carpentier en a détaillé les particularités. Né de l'association entre l'expertise médicale du célèbre chirurgien cardiaque français, inventeur des valves cardiaques bioprothétiques, et de l'expertise technologique d'EADS, le cœur CARMAT™ (pour Carpentier/Matra), est un cœur artificiel « définitif, physiologique, hémocompatible et totalement intégré », souligne son concepteur. Physiologique, car constitué de 2 ventricules connectés aux 2 oreillettes du patient, avec une pompe hydraulique mimant les contractions ventriculaires et s'adaptant aux besoins de l'organisme. Biocompatible (ne nécessitant pas de traitement anti-rejet) et hémocompatible grâce à une hémodynamique limitant la thrombogénicité et grâce à l'utilisation de valves biologiques et de biomatériaux synthétiques microporeux recouvrant toutes les surfaces en contact avec le sang. Et, enfin, intégré car en dehors des batteries, dont l'autonomie est de deux heures actuellement, le dispositif est totalement intracorporel. Si sa taille est inférieure aux modèles précédents, elle reste encore trop importante pour la majorité des femmes (35% pourraient être implantées vs 85% des hommes).
Après une première phase concernant 4 patients et évaluant la survie à 30 jours ou le recours éventuel à une transplantation, une deuxième phase analysera chez 20 patients l'amélioration fonctionnelle, la qualité de vie, etc. à 6 mois. Le coût est de 150 000 euros équivalent à celui d'une transplantation. Si les résultats se confirment, le CARMAT constituerait une bonne alternative pour ces insuffisants cardiaques en phase terminale dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques mois.
Un virus contre l’insuffisance cardiaque
Les travaux du Pr Roger J. Hajjar (New York) soulèvent aussi un vif intérêt pour le traitement des insuffisances cardiaques (IC), en relançant la piste de la thérapie génique par vecteur viral. Quelle qu’en soit la cause, l'IC sévère se traduit toujours par une diminution de l'expression et ou de l'activité de la SERCA2a (Sarco Endoplasmic Reticulum CAlcium transport ATPase).
Dans les modèles animaux, l'expression de SERCA2a restaure le taux de calcium, la contractilité myocardique et réduit le remodelage et l'apoptose. « Un vecteur viral recombinant, l'AAV (Adeno Associated Virus), dont le gène viral est non mutagène et ne s'intègre pas dans le génome, a révolutionné la thérapie génique cardio-vasculaire en permettant de délivrer le SERCA de façon efficace, bien tolérée et pratiquement non invasive », explique le chercheur.
Après les bons résultats des études précliniques, les essais CUPID (Calcium Up-régulation by Percutaneous administration of gene therapy In cardia Disease) sont menés chez l'homme depuis 2007. Chez 39 patients en IC de toute cause de classe III à IV, l'étude de phase 2 a évalué vs placebo l'administration coronaire par voie percutanée de ce vecteur viral en association à un traitement médical optimal. Avec la plus haute dose, les événements cliniques sont nettement diminués et restent bas à 12 mois, parallèlement à une amélioration de la symptomatologie, des paramètres biologiques, fonctionnels et échographiques.
Ce bénéfice se maintient à 3 ans avec en particulier une nette réduction de la mortalité et des hospitalisations avec une tolérance excellente. Lorsque les tissus ont pu être prélevés au cours d'une intervention cardiaque, leur examen montre que le matériel génétique introduit persiste jusqu'à 31 mois après l'injection. Les résultats d'une phase internationale 2b/3 (250 patients) sont attendus pour 2015.
D'autres essais cliniques sont en cours dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, l'HTAP primaire, l'arythmie ventriculaire, etc. Le problème reste celui des potentielles réactions immunitaires, 40 à 50% des patients développant des anticorps neutralisants qui réduisent ou suppriment l'action de la thérapie génique. De nouveaux vecteurs devraient permettre d'augmenter la résistance aux anticorps neutralisants et d'améliorer encore le cardiotropisme. On vise aussi maintenant une nouvelle cible, le SUMO1 (Small Ubiquitin-related Modifier) essentiel à la stabilité de la SERCA2a et dont l'expression est diminuée dans l'insuffisance cardiaque.
Auto-régénération du myocarde
Autre application de la génétique, les injections de cellules souches, basées sur le principe que toutes les cellules différenciées gardent la capacité de redevenir des cellules souches embryonnaires et de donner naissance à de nouvelles lignées y compris le cardiomyocyte en quelques jours. Mais la régénération pourrait venir du myocarde lui-même.
« On sait depuis deux ou trois ans que le cœur a des capacités régénératives, au même titre que les autres cellules, même si elles sont plus faibles et diminuent avec l'âge. En fait, au cours de la vie, 50% des cardiomyocytes se régénèrent », affirme le Pr Hulot. Contrairement aux poissons, les mammifères ont perdu la capacité de refabriquer du myocarde qu'ils remplacent par de la fibrose, mais cette potentialité reste inscrite dans notre génome. « Il sera vraisemblablement possible de stimuler la régénération endogène du cœur et certains facteurs cardio-inducteurs ont déjà été repérés. »
L’écho à la place du sthéto ?
L’amélioration de la prise en charge médicale, interventionnelle et chirurgicale tient aussi aux progrès de l’imagerie, qu’il s’agisse de l'échocardiographie qui s'oriente de plus en plus vers la 3D, de l'IRM ou de l'angioscanner multicoupes, excellente technique non invasive qui permet d'éliminer une pathologie coronaire devant une douleur thoracique et d'établir le pronostic en fonction de la zone d'ischémie.
À côté de ces examens sophistiqués, la miniaturisation de l'échocardiographe amène certains à prédire le remplacement du stéthoscope par un « échographe de poche ». Depuis plusieurs années les services d’urgence et de cardiologie sont équipés d’échographes « transportables » de qualité et des urgentistes se forment à leur utilisation. Pour les ultraportables, la question semble être surtout « dans quelles mains ? » « Ils constituent au lit du malade un excellent outil de dépistage et de débrouillage, mais a condition que les utilisateurs soient spécifiquement formés », insiste le Pr Cohen. En attendant, le prix – plusieurs milliers d’euros – et l’absence de cotation constituent un certain frein…
Pace maker sans sonde
Egalement miniaturisé, le pace maker de demain sera aussi sans sonde. Alors que dans un pace maker classique le boîtier est inséré dans la région pectorale et relié au
[[asset:image:531 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["Images courtesy of St. Jude Medical, Inc."],"field_asset_image_description":[]}]]myocarde par une ou plusieurs sondes, une start-up californienne propose depuis peu un stimulateur « 2 en 1 » qui regroupe dans un cylindre en titane de la taille d'une pièce d'un euro, le générateur de stimulation et l’électrode. Ce cylindre est directement « vissé » à l'intérieur du ventricule au moyen d'un cathéter introduit dans la veine fémorale.
Déjà testé sur une quarantaine de patients dans le monde, ce nouveau venu a été pour la première fois implanté en France au CHU de Grenoble en novembre. Sa durée de vie devrait être comparable à celle d'un pacemaker classique, de 7 à 10 ans, mais sans les complications potentielles des sondes (infection/ruptures). Déjà, le Pr Christophe Leclercq, président du comité scientifique du Congrès salue « une technique promise à un grand avenir », alors que près de 60 000 patients sont implantés chaque année.