Dans les années 1980, la seule option dans le rétrécissement aortique (RA) symptomatique était le remplacement valvulaire chirurgical, efficace au prix d’une lourde opération à cœur ouvert. La moitié des patients étaient récusés (plus de 70 ans, comorbidités, pronostic vital engagé).
Première innovation, la dilatation de la valve aortique par un ballonnet gonflable introduit par cathétérisme cardiaque, a été réalisée avec succès à Rouen, malgré la crainte de complications emboliques. « Nous l’avons alors pratiquée chez tous les patients inopérables, avec d’excellents résultats et une première publication dans le Lancet », précise le Pr Cribier. Des dizaines de milliers de patients dans le monde ont pu en bénéficier, mais la récidive du RA était presque inexorable après environ un an.
Une découverte mouvementée
Le Pr Cribier a alors imaginé de placer au sein de la valve malade un stent de gros calibre pour la maintenir ouverte, dans lequel serait insérée une valve. Pour les chirurgiens, cette idée était insensée en raison des calcifications valvulaires, de la proximité des coronaires et de la valve mitrale. « En étudiant les patients décédés de RA, nous avons constaté qu’une valve de 17 mm de haut placée au bon endroit ne touchait ni les coronaires, ni la mitrale », souligne le cardiologue.
En l’absence d’investisseurs, le Pr Cribier crée en 1999, avec deux ingénieurs et le Dr Martin Leon (Johnson et Johnson), la start-up « Percutaneous Valve Technologies » (PVT). Puis, un prototype de stent en acier, à l’intérieur duquel était suturée une valve, est construit par une société israélienne, d’abord en polymère puis en péricarde équin. Pendant deux ans, des tests seront réalisés en laboratoire et une étude préclinique menée à Paris sur plus de 100 brebis. La première valve chez l’homme a été implantée le 16 avril 2002 à Rouen, avec Hélène Eltchaninoff et Christophe Tron. Le patient de 57 ans était dans un état gravissime (choc cardiogénique, artères fémorales bouchées, caillot flottant dans le ventricule gauche). Malgré un échec de dilatation aortique par voie transseptale et la nécessité de monter la valve par cette même voie d’abord au lieu de la voie artérielle fémorale, ce fut un succès. « Le patient a littéralement ressuscité sur la table ! », se souvient le Pr Cribier. La publication dans Circulation a suscité un grand engouement.
Après un an de discussions, la Haute Autorité de santé autorise la réalisation en compassionnel d’une série de patients, en utilisant uniquement la voie transseptale. « On a réalisé une quarantaine de TAVI dans des conditions extrêmes avec 85 % de succès, explique le Pr Cribier. L’amélioration clinique spectaculaire et durable de certains patients a largement contribué à la diffusion de la technique ». En 2005, 100 TAVI avaient été réalisés dans le monde en trois ans. Edwards LifeSciences a alors acquis PVT et apporté des améliorations à la valve et au cathéter, amenant à un véritable essor du TAVI aux États-Unis et en Europe. Le remboursement de la valve a été accepté en France en 2007.
Un bénéfice reconnu
Une première étude randomisée, PARTNER 1, a montré un bénéfice similaire entre la valve Edwards Sapien et la chirurgie en cas de haut risque chirurgical. La CoreValve, autre valve auto-expansible apparue en 2004, a obtenu des résultats équivalents. Parallèlement, la pose du TAVI par voie transapicale offrait une alternative en l’absence d’abord fémorale.
Les modèles de valves se sont améliorés, facilitant le recours à la voie fémorale. Une seconde étude a montré des résultats identiques à la chirurgie chez les patients à risque opératoire intermédiaire. Le nombre d’implantations a alors atteint 40 000 à 50 000 valves par an. Enfin, un troisième essai a mis en évidence, en cas de bas risque chirurgical, un bénéfice du TAVI sur la morbimortalité cardiovasculaire (CV) supérieur à la chirurgie pour la valve Edwards et identique pour la CoreValve. En 2019, le TAVI est autorisé aux États-Unis chez les plus de 65 ans, limitant la chirurgie aux patients non-candidats. En Europe, le TAVI est remboursé au-delà de 75 ans, avec possibilité de prendre en compte l’avis des patients entre 65 et 75 ans. En 2021, 280 000 TAVI ont été réalisés, portant à plus d’1,5 millions le nombre total de patients implantés dans 80 pays.
« Chez les plus jeunes, on est encore limité par les incertitudes sur la durabilité de la valve, bien que les signaux soient favorables et que le « valve in valve » (pose d’un TAVI dans une valve dysfonctionnelle) soit réalisable », nuance le Pr Cribier. Concernant l’intérêt d’intervenir plus tôt en cas de RA serré asymptomatique (pour prévenir le dysfonctionnement cardiaque) ou de RA modérés (pour retarder le passage au stade sévère), des études sont en cours.
D’après un entretien avec le Pr Alain Cribier, CHU de Rouen
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