« Cette avancée est très importante pour définir la cause génétique la plus fréquente de la cardiomyopathie dilatée », explique au « Quotidien » le Dr Christine Seidman (Harvard Medical School, Boston) qui a codirigé l’étude publiée dans « Science Translational Medicine ».
Les conséquences pour la pratique clinique lui semblent tout aussi décisives : « Nous avons montré que la CMD causée par des mutations de la titine est généralement plus sévère, avec arythmies et progression vers l’insuffisance cardiaque ; on devrait surveiller et traiter ces patients plus tôt. Enfin, nous pouvons maintenant améliorer la précision diagnostique : en cas de découverte fortuite d’une mutation tronquante de la titine, nous pouvons prédire si elle causera ou non la CMD. Avec l’introduction rapide du séquençage ADN en pratique clinique, la capacité d’interpréter correctement l’importance d’une mutation de la titine chez chaque individu est essentielle pour offrir une médecine de précision », souligne le Dr Seidman.
Selon de récentes estimations, une personne sur 250 développe une cardiomyopathie dilatée (CMD) non ischémique, une affection du muscle cardiaque progressant vers l’insuffisance cardiaque (IC) et couplée a un risque d’arythmie et de mort subite. De travaux antérieurs avaient montré que certaines mutations touchant plus d’une cinquantaine de gènes exprimés dans le coeur pouvaient être à l’origine d’une CMD, mais ces mutations étaient généralement peu fréquentes.
Questions sur la plus grande protéine humaine
Il y a deux ans, l’equipe du Dr Seidman faisait une découverte majeure : des mutations du gène titine, raccourcissant (ou tronquant) la protéine, se révélaient être une cause génétique fréquente de CMD sévère et familiale, expliquant 1 cas très sévère sur 4. Toutefois certaines questions restaient en suspens, notamment les chercheurs se demandaient pourquoi les mutations tronquantes étaient-elles aussi retrouvées chez 2 % de la population saine sans CMD ? Compliquant la recherche, la protéine titine - la plus grande protéine humaine, exprimée à la fois dans le muscle squelettique et dans le muscle cardiaque - est encodée dans le génome dans plus de 350 exons qui subissent des coupures variables pour produire de nombreuses isoformes (de 5 600 à 34 000 acides aminés), dont certaines seulement sont présentes dans le coeur.
La nouvelle étude codirigée par Seidman et Stuart Cook (Imperial College London) a consisté à séquencer le gène titine chez 5 267 personnes (volontaires sains et patients avec CMD). Les concentrations de la protéine titine ont été mesurées dans une collection d’échantillons de tissu myocardique.
Les résultats montrent que des mutations tronquantes de la titine sont observées chez 13 % des patients tout venants ayant une CMD, chez 20 % des patients atteints de CMD sévère, et 2 % de la population générale.
Les mutations tronquantes bénignes sont situées dans une région du gène (bande-I) qui produit des acides amines non intégrés dans la protéine finale qui reste fonctionnelle. Par contraste, les mutations pathogènes sont trouvées une autre région du gène (bande-A), sont incorporées dans la protéine finale et endommagent la fonction cardiaque. Ceci suggère que la titine mutée empoisonne la cellule myocardique. Enfin, la CMD causée par la titine mutée est une forme plus sévère, avec arythmies ventriculaires potentiellement fatales, progression précoce vers l’IC, et survie plus faible.
Des implications cliniques immédiates
Éliminer la protéine mutante constitue désormais une des cibles de la recherche thérapeutique. Toutefois, les conséquences sont plus immédiates. « Les patients identifiés comme étant a haut risqué de CMD en raison de mutations de la titine pourraient bénéficier d’un traitement agressif et d’une implantation d’un défibrillateur cardiaque pour prévenir les arythmies fatales », explique le Dr Seidman. « Un dépistage familial (ou en cascade) de la CMD est maintenant possible », ajoute-t-elle. Une consultation génétique peut être proposée aux membres de la famille d’un patient porteur d’une mutation pathogène de la titine pour une évaluation précise et l’identification des personnes à haut risque de CMD et de celles qui ne le sont pas. En cas de découverte fortuite d’une mutation, « notre étude apportant une meilleure classification des mutations de la titine, permet de mieux conseiller ces individus sur leur risque minime ou élevé de CMD », précise le Dr Seidman.
Comme le souligne le Dr Watkins (Université d’Oxford, Royaume-Uni) dans un article associé, la moitié des mutations de la titine peuvent maintenant être écartées avec suffisamment de confiance du fait de leur bénignité. Pour l’autre moitié, les choses sont moins claires car les mutations jugées pathogènes ne sont liées qu’à 93 % à un risque de pathogénicité. Il reste donc à affiner les prédictions. Il reste aussi à mieux préciser le rôle des mutations de la titine dans les CMD de l’enfant ou des CMD associées à la grossesse. « Le plus important peut-être sera de mieux élucider le mécanisme afin d’affiner les stratégies de prévention et de traitement de la maladie », conclut le Dr Seidman
Science Translational Medicine, Roberts et coll.
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