Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAMTS), sur les 91 000 patients pris en charge en 2010, un peu plus de 60 000 sont retournés chez eux, dont 34 % ont été réhospitalisés dans les six mois qui ont suivi pour une décompensation cardiaque. « Les pourcentages d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, rapportés aux différentes classes d’âge, restent stables, analyse le Pr Yves Juillière, de l’Institut lorrain du cœur et des vaisseaux, et président de la société française de cardiologie (SFC), mais nous observons une augmentation du nombre de ré-hospitalisation ensuite. Dans les deux ans qui suivent une première hospitalisation, 85 % des patients sont morts ou hospitalisés. » S’il existe des raisons démographiques à ce très mauvais pronostic : les patients insuffisants cardiaques sont de plus en plus âgés lors de leur premier diagnostic, le Pr Yves Juillière y voit aussi le signe d’une prise en charge perfectible. « On ne dit jamais au patient qu’il souffre d’insuffisance cardiaque, on tourne autour du pot en évoquant un cœur dilaté. On lui parle aussi beaucoup de l’événement initiateur : un infarctus, une hypertension ou une myocardite, mais pas de l’insuffisance cardiaque en elle-même », explique-t-il.
Seulement 30 % de patients correctement traités
En théorie, un patient qui sort de l’hôpital avec une insuffisance cardiaque systolique bien établie devrait, en théorie, bénéficier d’un traitement complet : bêtabloquant, inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et diurétiques. Dans la pratique, il n’y a que 30 % des malades ont droit à ce régime, toujours selon les chiffres de la CNAMTS. « Encore une fois, rappelle le Pr Yves Juillière, il s’agit de patients âgés chez qui des contre-indications peuvent expliquer cette faible prise en charge. Mais les données chez les moins de 55 ans ne sont pas meilleures. Seulement 47 % d’entre eux bénéficient des trois médicaments, et jamais aux doses maximales alors qu’ils en ont besoin ! »
Le constat est le même du côté des associations de patients. Le président de l’Alliance du cœur (qui regroupe 13 associations et 2 fédérations de patients), Philippe Thebault, juge pour sa part que « le dépistage pourrait être mieux fait et les mots ne sont pas décortiqués. On peut dire à un patient qu’il fait de l’insuffisance cardiaque, mais si on n’insiste pas sur le fait que, bien surveillé, elle peut être maîtrisée, il n’aura pas les bons réflexes. Il faut que l’on enseigne au malade à reconnaître les symptômes : poids, fatigue, œdème… ».
En attendant les ARNi
Le gold standard des traitements de l’insuffisance cardiaque n’a que peu changé. Les IEC restent les médicaments de première ligne devant les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), dont les résultats sont plus mitigés. « Il n’y a que les patients qui toussent vraiment beaucoup ou qui développent un angioedème peuvent être réorientés vers les ARA II, estime le Pr Yves Juillière, « il faut contrôler la fonction rénale quatre jours après l’introduction du médicament qu’il s’agisse d’un IEC ou d’un ARA II », insiste-t-il.
La grande révolution attendue par les cardiologues en matière de traitement est encore à venir : les ARNi qui combinent un inhibiteur expérimental de la néprilisine (nouveau nom donné à l’endopeptidase neutre) et un sartan.
Une révolution, mais à quel prix ?
Lors du dernier congrès de la Société européenne de cardiologie, les résultats de l’étude PARADIGM-HF ont montré que le LCZ-696 (sacubitril/valsartans), premier médicament de cette nouvelle classe développé par Novartis, réduisait le risque de décès d’origine cardiovasculaire de 21 % comparé à l’énalapril et le risque d’hospitalisation de 20 %.
Il reste à savoir à qui s’adressera ce nouveau traitement. « C’est aux agences de sûreté sanitaire de trancher, explique Yves Juillière, si l’on calque les indications sur ce qui a été fait dans PARADIGM-HF, il serait à prescrire en remplacement des IEC ». Les IEC étant massivement génériqués, une telle possibilité serait, économiquement, dur à envisager. « Une autre possibilité dont on parle, serait de ne prescrire les ARNi qu’aux nouveaux malades », rapporte Yves Juillière.
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