La péricardite aiguë est une affection fréquente et généralement bénigne. Le diagnostic repose sur la clinique, notamment la douleur thoracique et le frottement péricardique à l’auscultation, l’électrocardiogramme et surtout sur l’échocardiographie qui visualise l’épanchement. Elle est le plus souvent (85 %) idiopathique, en fait vraisemblablement d’origine virale.
Le traitement de référence est l’acide acétyl salicylique (ASA) à forte posologie (3 g/jour) pendant 3 semaines. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont réputés au moins aussi efficaces. Les glucocorticoïdes ne sont pas recommandés car ils favorisent la chronicisation.
Le traitement par ASA permet la guérison (disparition des symptômes) dans la majorité des cas mais le taux de récidive est élevé, pouvant atteindre 30 à 50 % dans les 6 mois suivant l’épisode initial. La physiopathogénie de ces récidives n’est pas complètement élucidée : nouvelle infection virale, persistance de l’infection virale initiale ou plus probablement pérennisation de la réaction inflammatoire locale par le biais de mécanismes immunitaires.
La colchicine, du fait de ses propriétés immunomodulatrices, a été évaluée dans le traitement de la péricardite aiguë comme dans les récidives depuis de nombreuses années. Différentes études en ouvert, notamment COPE dans la péricardite aiguë ou l’étude CORE dans les récidives, avaient mis en évidence les bénéfices potentiels de la colchicine en termes de réduction des récidives.
« Désormais, nous disposons de données issues d’essais randomisés contrôlés de méthodologie rigoureuse, lors d’un premier épisode de péricardite aiguë, après une première récidive et dans les formes multirécidivantes (≥ 2 récidives) », souligne le Dr Christophe Meune. L’étude ICAP (1) a randomisé 240 patients avec un premier épisode de péricardite pour recevoir, en plus du traitement conventionnel (ASA 80 % des cas, ibuprofène 20 % des cas), de la colchicine à la posologie de 1 mg/jour ou un placebo. La péricardite était idiopathique dans trois-quarts des cas, liée à une connectivite dans 5 % des cas ou après agression cardiaque dans 20 % des cas (post-infarctus du myocarde comme dans le syndrome de Dressler, ou après chirurgie cardiaque par exemple). Le traitement par colchicine administrée pendant 3 mois a permis de réduire de façon significative le taux de récidive, de 16,7 % à 3 mois dans le groupe colchicine versus 37,5 % dans le groupe placebo. Le traitement a aussi entraîné un amendement plus rapide des symptômes (à 72 heures, 19 % de patients étaient encore symptomatiques sous colchicine versus 40 % sous placebo) et une diminution du taux d’hospitalisation et ce, sans effet indésirable sévère.
Dans la première récidive, l’étude CORP (2), qui a inclus 120 patients, a démontré les bénéfices du traitement par colchicine versus placebo en sus du traitement conventionnel : après 6 mois de traitement à la posologie de 0,5 à 1 mg/jour, le taux de récidive à 18 mois était de 24 % dans le groupe colchicine comparativement à 50 % dans le groupe placebo.
Enfin, l’étude CORP 2 publiée tout récemment par la même équipe a confirmé (3) toujours en double aveugle versus placebo, la réduction des récidives apportée par la colchicine (0,5 mg deux fois par jour) administrée en complément du traitement conventionnel (ASA dans 70 % des cas, ibuprofène 15 %, indométacine 10 %, prednisone 5 %) chez 240 patients souffrant de péricardites multirécidivantes, idiopathiques dans plus de 80 % des cas. Outre la diminution du taux de récidive à 6 mois (21,6 % dans le groupe colchicine versus 42,5 % dans le groupe placebo), les auteurs rapportent une baisse significative de la persistance des symptômes à 72 heures et une augmentation du taux de rémission. Aucun effet n’est en revanche observé sur le risque de tamponnade ni sur le risque d’évolution vers la constriction, risques qui sont toutefois faibles.
«Toutes ces données obtenues à partir d’études à la méthodologie rigoureuse convergent pour souligner les bénéfices de la colchicine qui améliore la symptomatologie et réduit les récidives, quelle que soit la forme de la péricardite (premier accès, première récidive ou multirécidivante), indique le Dr Meune, en insistant sur le caractère idiopathique des péricardites suivies dans ces études. « Certains éléments doivent faire suspecter une autre étiologie et donc récuser le traitement par colchicine, tels qu’une fièvre élevée› 38,5 °C, un épanchement très abondant, une tamponnade, une maladie de système connue ou une infection bactérienne. Une sérologie VIH reste systématique, le traitement par colchicine n’a pas été évalué dans ce contexte ».
Dans les différentes études, le traitement à faible posologie a été bien toléré, avec un taux d’effets indésirables, digestifs en particulier, de moins de 10 %, comparable à celui observé dans le groupe placebo.
Plusieurs questions restent en suspens : la durée optimale de traitement (3 mois pour un premier épisode, 6 mois pour les récidives dans les essais) et la posologie exacte, des doses plus faibles pouvant être potentiellement envisagées. « Le recours à la colchicine dans cette indication est hors autorisation de mise sur le marché. Le plus important est de pouvoir justifier cette prescription, qui à la lumière de la littérature a fait la preuve de ses bénéfices en plus du traitement conventionnel », conclut le Dr Christophe Meune.
D’après un entretien avec le Dr Christophe Meune, Université Paris XIII, Hôpitaux Universitaires Paris-Seine-Saint-Denis, Bobigny.
(1)Imazio M et al, N Engl J Med 2013; 369:1522-1528
(2)Imazio M et al. Ann Intern Med. 2011 Oct 4;155(7):409-14
(3)Imazio M et al. The Lancet, Early Online Publication, 30 March 2014 doi:10.1016/S0140-6736(13)62709
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