Les antagonistes de la vitamine K (AVK) sont largement utilisés dans la prise en charge de la pathologie thromboembolique veineuse et artérielle. Ils constituent encore en France (HAS 2 014) le traitement de référence, même si les anticoagulants oraux directs (AOD), anti-IIa ou anti-Xa, sont destinés à être largement utilisés et devraient supplanter l`utilisation des AVK. 2 familles sont commercialisées : celle des dérivés coumariniques comprenant principalement la warfarine (coumadine) et l`acénocounarol (sintrom et minisintrom), et celle des dérivés de l`indanedione avec la fluindione (Previscan).
Le risque de survenue d’accidents hémorragiques mettant en jeu le pronostic vital augmente dès que l’INR (International Normalized Ratio) est supérieur à 3. L’index thérapeutique des AVK est faible, le risque hémorragique important et la survenue d’un saignement sous anticoagulant est un événement grave et non rare. En effet, il s’agit de la première cause d’hospitalisation pour cause iatrogène en France (17 000/an) et aux États-Unis (33 % des hospitalisations pour iatrogénèse médicamenteuse causées par la warfarine). Les facteurs d’instabilité de l’INR conduisant au surdosage sont multiples. Des recommandations ont été publiées en 2008 afin de faire le point sur la prise en charge thérapeutique des surdosages en AVK par les antidotes à notre disposition. Ces recommandations séparent 2 situations de surdosage selon que l’augmentation de l’INR est asymptomatique ou qu’il existe des hémorragies spontanées ou traumatiques associées à la prise d’AVK.
Dans le cadre de la prise en charge d’un surdosage asymptomatique ; il est recommandé de prendre en charge le patient de manière ambulatoire. L’antidote à utiliser sera l’administration de vitamine K. Ainsi, la prise en charge va reposer sur la valeur de l’INR, en fonction de la cible d’anticoagulation. Lorsque la cible d’INR est une fenêtre entre 2 et 3, un INR compris entre 4 et 6 entraînera le saut d’une prise et pas d’apport de vitamine K, tandis que lorsque l’INR est compris entre 6 et 10, 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale seront administrés. Lorsque l’INR est supérieur à 10, c’est 5 mg de vitamine K par voie orale qui seront administrés. Lorsque la cible est une fenêtre entre 3 et 4 : un INR compris entre 6 et 10 entraînera le saut d’une prise et l’administration de 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale devra être discutée. Lorsque l’INR est supérieur à 10, un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé. Un contrôle de l’INR doit être réalisé le lendemain et dans le cas où l’INR reste supra thérapeutique, les mesures correctrices proposées restent valables et doivent être reconduites. Les hémorragies non graves ne font pas l’objet de consensus, mais l’administration de vitamine K orale à la dose de 5 à 10 mg et l’arrêt des AVK semble être la solution retenue dans certaines recommandations internationales.
En cas d’hémorragies graves, la vitamine K et les concentrés de complexes prothrombiques (CCP, aussi appelés PPSB : Cascadil et Octaplex) sont les 2 antidotes appropriés. Les hémorragies graves sous AVK nécessitent une prise en charge hospitalière et la nécessité d’un geste hémostatique chirurgical, endoscopique ou endovasculaire doit être rapidement discuté. L’administration de vitamine K est essentielle au regard des propriétés pharmacologiques des facteurs de coagulation. Elle sera utilisée à 10 mg par voie orale ou IV lente quel que soit l’INR de départ. En effet, la demi-vie courte (5 à 6 heures) du facteur VII limite la durée d’action du PPSB. La vitamine K, en permettant une production endogène hépatique de facteurs 5 à 6 heures après son administration prend le relais des facteurs exogènes apportés et assure le maintien d’une hémostase correcte. Le PPSB est supérieur en tout point (rapidité, efficacité, innocuité) au plasma frais congelé et permet de corriger rapidement l’hypocoagulation induite par les AVK. La posologie recommandée en cas d’hémorragie grave est de 25 UI/kg d’équivalent facteur IX. L’INR doit être contrôlé 30 minutes après l’injection de PPSB (si celui-ci reste› 1,5 une administration complémentaire de CCP est recommandée) mais aussi à la 6e heure pour être sur du « relais » de l’action du PPSB par la vitamine K.
Ainsi les origines des surdosages en AVK sont multiples, mais ils sont neutralisables avec des antidotes relativement efficaces, sauf dans le cas particulier des hémorragies cérébrales. En effet malgré la normalisation de l’INR et la diminution de l’expansion de l’hématome après PPSB, le pronostic reste très sombre et le taux d’invalidité élevé. La prise en charge globale des hémorragies graves sous AVK reste un problème majeur de santé publique et il ne faut pas croire que l’existence des antidotes fait des AVK une classe thérapeutique sûre et facile à contrôler dans la prise en charge des hémorragies graves, qui restent une urgence clinique et thérapeutique.
Dr David M. Smadja, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Inserm UMR-S1140, Paris.
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