Les indications des anticoagulants directs étaient initialement, fin des années 2000, chirurgicales, en prévention de la maladie thromboembolique veineuse, puis, à la faveur d’une extension d’AMM, médicales aussi, en prévention des accidents vasculaires cérébraux par arythmie complète par fibrillation auriculaire.
Les études pivotales sont naturellement conduites sur des individus entrant dans le strict champ des indications, c’est dire l’intérêt de ce retour d’expérience, après quelque temps de prescriptions hors essais, pour en mesurer plus précisément les précautions d’emploi.
Les effets indésirables (EI) de deux inhibiteurs directs des facteurs de la coagulation (le IIa pour le dabigatran, le Xa pour le rivaroxaban) ont ainsi été décryptés dans six centres de pharmacovigilance (hôpital européen Georges-Pompidou, Henri-Mondor, Pitié, Saint-Vincent de Paul, Saint-Antoine et Fernand Widal) de début 2010 à fin 2 012.
Les données de patients recevant ces NACO et pour lesquels avaient été notifiés des événements indésirables, soit 93 patients recevant le dabigatran-la molécule la première à avoir été mise sur le marché- et 23, le rivaroxaban, ont donc été analysées. La moyenne d’âge des patients "dabigatran" est de 78 ans, celle des patients ayant reçu le "rivaroxaban" de 67 ans, ce qui est probablement lié au fait que les indications des premiers sont davantage médicales.
Trente et un des patients "dabigatran" seulement disposaient d’une clairance de la créatinine et le quart d’entre eux était dans le quartile inférieur (en dessous de 30 ml/mn), ce qui est théoriquement une contre-indication. « Le profil d’utilisation pourrait être différent aujourd’hui que l’on connaît mieux ces médicaments », a souligné le Dr Adrien Kerkache, service de Médecine interne à l’Hôpital Bichat (Paris) qui rapportait ces événements lors d’une communication qui s’est tenue dans le cadre du 8e Congrès de la médecine générale (Paris).
Coprescription et antécédents
Autre facteur de majoration de risque, les antécédents d’ulcères ou d’hémorragies digestives, présents chez 23 % du groupe "dabigatran" et 26 % du groupe "rivaroxaban". Les analystes observent également des coprescriptions à risque hémorragique, notamment avec l’aspirine, les anti-inflammatoires ou le clopidogrel, dans 25 % des cas pour les patients "dabigatran " et 52 % des patients "rivaroxaban".
« Si les événements surviennent plus facilement dans la vraie vie, c’est sans doute que les patients à qui l’on prescrit ces nouveaux anticoagulants sont manifestement, parfois, plus souvent à risque d’hémorragie, par leur âge élevé et par leur statut rénal notamment », constate le Dr Adrien Kerkache.
Enfin, en 2012, l’Agenca nationale de sécurité des médicaments (ANSM) avait adressé à tous les prescripteurs un courrier définissant les facteurs de risque hémorragique et les événements des NACO : si l’on applique ces critères, 66 % des "dabigatran" avaient un facteur de risque selon l’agence, 82 % des "rivaroxaban".
Des hémorragies en majorité
En ce qui concerne la nature des événements déclarés, la plupart sont des hémorragies : 52 sur les 113 EI du groupe dabigatran, dont 23 d’origine digestive et 3 hématomes intracrâniens ; 27 pour le rivaroxaban dont 20 hémorragies (6 digestives, 3 hématomes intracrâniens – un chiffre difficile à interpréter en raison du petit effectif- et 7 hémorragies au niveau du site opératoire, liées au fait que les indications de la molécule sont davantage "chirurgicales".
Par ailleurs, dans les deux groupes, pour 20 % des patients, la prescription était inadaptée, soit en raison de la dose, soit par non-respect de l’indication.
* Un travail de thèse présenté lors de la table ronde “Sécurité des soins : prévenir les effets indésirables “organisée dans le cadre du 8e Congrès de la Médecine Générale
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