« Les traitements sont là, mais les gens se sentent plus concernés par l’AVC, le cancer ou l’infarctus que par l’insuffisance cardiaque », résume au « Quotidien » le Pr Stephan Anker de l’hôpital universitaire de la Charité, à Berlin. Malgré le peu de place qu’elle occupe dans l’esprit du public, l’insuffisance cardiaque pèse d’un poids grandissant dans les dépenses de santé : 2 % d’entre elles y sont désormais consacrées à la prise en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest.
En France, 2,2 % de la population est concernée, selon un rapport de l’ESC de 2012 avec près de 160 000 admissions hospitalières. De tels coûts pourraient être réduits, selon les membres de la Heart Failure Association, par une politique promouvant la prévention des groupes à risque et l’intervention sur les styles de vie, le diabète, l’obésité, le tabagisme et l’hypertension étant des facteurs de risque reconnus de l’insuffisance cardiaque.
L’absence de prise de conscience pointée du doigt par les 15 auteurs du livre blanc n’épargne pas le corps médical : « Environ la moitié des patients qui vivent avec l’insuffisance cardiaque ne sont pas correctement diagnostiqués », selon Stephan Anker. « Il y a beaucoup de patients dont on pense à tort qu’ils font de l’asthme, et d’autres chez qui l’on va considérer ces symptômes (fatigue, souffle court, œdème des membres inférieurs N.D.L.R.) comme normaux car ils sont âgés. »
Seuls 3 % du public connaît les symptômes
Pour le coauteur du livre blanc, « la prévention s’améliore, mais nous pourrions faire beaucoup mieux en matière de dépistage, en communiquant plus et mieux sur les symptômes de l’insuffisance cardiaque ». Selon l’étude SHAPE publiée dans le « European Hearth Journal » en 2005, seulement 3 % du public est en mesure d’identifier les symptômes d’une insuffisance cardiaque, contre 28 % pour l’infarctus du myocarde et 48 % pour l’AVC. La plupart des personnes interrogées considèrent en outre l’insuffisance cardiaque comme une maladie peu grave et une conséquence normale du vieillissement. « Il faut aussi améliorer les technologies de dépistage par les biomarqueurs », souligne Stephan Anker, qui en profite pour rappeler la stratégie à adopter pour confirmer une suspicion d’insuffisance cardiaque : « On peut tester pour la procalcitonine afin d’exclure l’infection bactérienne, ou le BNP pour vérifier l’existence ou non d’une hypertrophie ventriculaire gauche. » Parmi les autres préconisations du livre blanc, on trouve également un accès facilité aux outils diagnostics, la mise à disposition de supports éducatifs, et le financement de recherche sur les nouvelles causes d’insuffisance cardiaque.
Un pronostic qui ne s’améliore pas
Selon les auteurs du livre blanc, la survie des patients admis à l’hôpital avec une insuffisance cardiaque est mauvaise, grevée par le dépistage et la prise en charge trop tardifs : 17 à 45 % d’entre eux meurent moins d’un an après l’admission selon les pays. Environ 26 millions d’adultes dans le monde vivent avec une insuffisance cardiaque. En France également, les résultats sont peu brillants. Les données de la CNAMTS évoquent une mortalité à deux ans de 40 % et une morbimortalité de 85 %. Cela signifie qu’un seul patient sur dix sur 10 n’est ni mort ni réhospitalisé deux ans après sa première admission pour insuffisance cardiaque. Des chiffres qui sont identiques à ceux de l’étude EPICAL menée en Lorraine il y a plus de 20 ans !
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