Loin d’être protectrices comme dans les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, les statines ont été suspectées d’augmenter le risque de saignements dans les AVC hémorragiques. Une large cohorte multicentrique américaine chez 3 481 sujets ayant eu un AVC hémorragique tend à prouver qu’il n’en est rien. L’étude publiée dans le JAMA Neurology suggère même que la prescription de statine est associée à un meilleur pronostic, à la fois en termes de survie à 30 jours et de retour à domicile ou de récupération intra-hospitalière. Qui plus est, l’arrêt des statines chez des sujets habituellement traités diminuerait leurs chances de survie.
Le contexte de l’étude SPARCL
La question des statines lors d’une hémorragie cérébrale a fait l’objet de preuves contradictoires. L’étude SPARCL (Stroke Prevention by Aggressive Reduction in Cholesterol Levels) de 2008 dirigée par le Pr Pierre Amarenco, neurochirurgien à l’hôpital Bichat, a marqué une étape importante. Cet essai mené chez des sujets hospitalisés pour AVC ischémique avait rapporté un risque plus élevé de transformation hémorragique dans le groupe se voyant prescrire de novo des doses élevées d’atorvastatine, en particulier chez ceux ayant un antécédent d’AVC hémorragique. Dans ses recommandations de 2010, l’American Heart Association avait estimé que les preuves étaient insuffisantes pour se prononcer sur l’utilisation ou la non-utilisation des statines après AVC hémorragique. Et pour les patients habituellement traités, sans aucun élément de réponse, la question restait entière. Dans ce contexte, de nombreux médecins sont devenus méfiants quant à la prescription de statines, préférant ne pas les prescrire en l’absence de bénéfice clair et de possibilité de nuire.
Survie à 30 jours et retour à domicile
Après régression multiple (âge, sexe, ethnie, comorbidités, volume d’AVC hémorragiques par établissement, dysphagie), les sujets traités par statine avaient 4 fois plus de chances d’être en vie à 30 jours. L’association restait identique après avoir contrôlé sur la gravité et la réanimation dans les 24 premières heures. Sans ajustement, les chiffres étaient moindres, les patients avec statines avaient une mortalité à 30 jours de 18,4 % par rapport à 38,7 % pour ceux sans statines. De même, leur chance de retour à domicile ou de récupération intra-hospitalière était plus que doublée, les chiffres non ajustés étant respectivement de 51,1 % et 35,0 %. À l’inverse, pour les patients dont le traitement habituel par statines était arrêté, les chances de survie à 30 jours étaient diminuées de 84 % par rapport à ceux en prenant (de façon non ajustée, 57,8 % versus 18,9 %), les chances de retour à domicile ou de récupération intra-hospitalière diminuée de 74 % (de façon non ajustée, 22,3 % versus 49,8 %).
Un petit pas dans la controverse
Pour un éditorial attaché à l’article, « la controverse autour de l’utilisation des statines et l’AVC hémorragique est loin d’être enterrée ». Pour expliquer la diversité des résultats, il propose l’hypothèse de groupes particuliers à risque, chez lesquels les statines devraient être évitées, comme par exemple en cas d’angiopathie amyloïde. Les résultats confortent les conclusions chez l’animal en faveur d’un effet protecteur des statines dans les AVC hémorragique. Quant à la physiopathologie, les hypothèses sont multiples, permettant de soutenir l’une ou l’autre des affirmations. Comme l’éditorial l’explique : « Les statines diminuent l’agrégation plaquettaire et la thrombogenèse, et ainsi contribuer à l’aggravation du processus hémorragique, mais elles modulent aussi le système immunitaire, inhibent l’inflammation et améliorent le flux cérébral, et ainsi favoriser la neuroprotection et la récupération tissulaire. » Dans l’attente de preuves plus convaincantes pour des recommandations générales dans l’AVC hémorragique, les auteurs concluent que « l’association particulière entre l’arrêt des statines et un pronostic plus mauvais mérite d’être pris en compte dans la balance bénéfice-risque ».
JAMA Neurology, publié en ligne le 22 septembre 2014
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