Quelle est votre impression sur le livre blanc de la Heart failure association ? Leur constat s’applique-t-il à la France ?
Cela me "rassure" de voir que ce problème n’est pas uniquement français mais mondial. En France aussi, on fait beaucoup de battage sur l’infarctus du myocarde, mais on n’entend pas du tout parler de l’insuffisance cardiaque alors qu’il s’agit d’une pathologie croissante, coûteuse et sévère. Il y a de plus en plus d’insuffisants cardiaques parce que les patients vivent plus vieux, mais aussi parce que l’on arrive de mieux en mieux à traiter les cardiopathies ischémiques et l’hypertension artérielle. Les gens vivent plus longtemps avec ces pathologies chroniques qui finissent par déboucher sur une insuffisance cardiaque. On a réussi à diminuer le délai entre les symptômes de l’infarctus et l’hospitalisation, mais pour l’insuffisance cardiaque, ça traîne encore car les malades ne connaissent pas les symptômes.
Pourquoi une telle méconnaissance du public ?
Le problème, c’est la traduction de ce que pensent les cardiologues. On ne dit jamais franchement à un patient qu’il a une insuffisance cardiaque, on tourne autour du pot en évoquant un cœur fatigué ou trop gros. Dans l’esprit de la population, cela fait de l’insuffisance cardiaque une pathologie peu fréquente alors que ce n’est pas le cas.
Que faut-il faire alors ? Le livre blanc s’adresse aux politiques mais leur action peut-elle être efficace ?
Il faut que les gens prennent conscience qu’il s’agit d’une maladie à laquelle tous seront plus ou moins confrontés. En prévention primaire, les médecins doivent cibler les facteurs de risque cardiovasculaire, et en particulier l’hypertension artérielle présente chez un insuffisant cardiaque sur deux. Pour ce qui est du rôle des politiques, la loi 2004 sur l’organisation des soins de Philippe Douste-Blazy a permis d’améliorer la prise en charge et le pronostic de plusieurs maladies dont l’infarctus du myocarde. Entre-temps, on a mis en place le programme Prado Insuffisance cardiaque pour mieux prendre en charge un patient qui revient chez lui. Donc il y a un vrai pouvoir politique. Il manque aussi des recommandations pour ce qui est de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée qui touche 50 % des malades. Sur les 90 pages de recommandations sur l’insuffisance cardiaque, seulement dix lignes y sont consacrées. Beaucoup de monde y travaille, mais tous les essais sont négatifs, peut-être parce que cette pathologie est souvent provoquée par des comorbidités du sujet âgé. Ce sont ces dernières qu’il faut traiter.
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