UNE MINE D’INFORMATIONS. Au départ purement administratives, les données de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) sont de plus en plus exploitées par les épidémiologistes. Pour la première fois à l’échelle de tout le territoire et sur des données récentes (2010), l’équipe de Philippe Tuppin de la Cnam a évalué le traitement de 3 facteurs de risque cardiovasculaires traitables par médicament, l’hypertension artérielle (HTA), le diabète et les dyslipidémies. Le bilan a pour lui l’incomparable atout de sa robustesse, puisque les 58 millions d’assurés représentent 90 % de la population française. « Le risque d’erreur en assimilant traitement et facteur de risque, par sous- ou surestimation, est faible, estime le Pr Nicolas Danchin cardiologue à l’hôpital Européen Georges Pompidou et co-auteur de l’étude. Les données de remboursement spécifique sont une bonne approche de la prévalence de la population française, la plus proche de la réalité ».
41 % des Français traités après 40 ans
Malgré l’incidence croissante des maladies cardio-vasculaires, la faible mortalité cardiovasculaire observée en France, serait-elle due à un traitement plus fréquent des facteurs de risque ? La réponse est oui, si l’on en juge par les résultats de l’étude. La fréquence de traitement est très élevée dans la population française : 16 % pour les anti-hypertenseurs, 11 % pour les antilipémiants, 4 % pour les antidiabétiques et 20 % au moins un traitement. « Ces chiffres rejoignent ceux des estimations précédentes, comme l’étude ENSS, poursuit-il. Plus de 9 millions de sujets traités pour HTA, plus de 6 millions pour dyslipidémie et plus de 2,5 millions pour diabète. Chez les plus de 40 ans, 1/3 de la population est traitée pour HTA, 1/4 pour dyslipidémie et 8 % pour un diabète ». La fréquence d’au moins un traitement pour au moins un des trois facteurs était de 41 % pour ceux de plus de 40 ans et plus de 66 % pour ceux de 60 ans et plus.
Prévention primaire
« La majorité des patients traités n’avaient pas encore fait d’accident cardio-vasculaire », souligne le Pr Danchin. C’est-à-dire que la majorité des patients étaient traités en prévention primaire. « Là encore, ces résultats sont cohérents avec les données antérieures ». L’existence d’une maladie cardiovasculaire a été définie par les diagnostics des affections de longue durée et des séjours hospitaliers en 2010. Parmi les personnes de 20 ans et plus, 22 % avaient au moins un facteur de risque traité et pas de maladie cardio-vasculaire et 3 % au moins un facteur traité et une maladie cardiovasculaire.
Indices de précarité
« Un lien très net avec les indices de précarité a été mis en évidence, explique le Pr Danchin. C’est sans doute le frein le plus important pour l’accès aux soins. Cet indice basé sur le code commune est un score existant calculé sur des données économiques, comme le revenu moyen, le taux de chômage, le niveau moyen d’études supérieures, le taux de travailleurs manuels. » De même, les régions ne sont pas égales entre elles. « On retrouve le gradient Nord/Sud pour le traitement de l’HTA, avec une fréquence plus élevée au Nord. Pour le traitement du diabète, c’est plutôt un gradient Est/Ouest avec un traitement plus fréquent à l’Est ». De façon globale, les régions Nord, Nord Est et Outremer sont les plus concernées par la prescription d’antidiabtéiques et d’antihypertenseurs. « En revanche, la situation est assez homogène pour les dyslipidémies ».
Au vu de ces résultats, quelles actions de santé sont-elles à programmer ? «Un message est renforcé, il est nécessaire de cibler les populations défavorisées, insiste-t-il. La précarité est un frein au traitement, et pas seulement médicamenteux. Diététique, activité sportive, tabagisme, éducation thérapeutique, il faut réfléchir aux meilleurs outils de sensibilisation. Après un infarctus du myocarde par exemple, à prise en charge initiale égale, une étude a montré que les patients avec la CMU prennent moins bien au fil du temps leur traitement pourtant gratuit. Il faut agir sur d’autres leviers ».
Arch Cardiovasc Dis, http://dx.doi.org/10.1016/j.avcd.2013.02.005
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