Le patient qui a reçu, mercredi 18 décembre, le premier cœur artificiel définitif de la société française Carmat progresse et récupère a indiqué samedi le Pr Christian Latrémouille, auteur de cette greffe, une première mondiale. L’opération a été réalisée avec le Pr Daniel Duveau dans le service de chirurgie cardiovasculaire du Pr Jean-Noël Fabiani à l’hôpital Georges-Pompidou, et sous la direction du Pr Alain Carpentier, concepteur du projet et cofondateur de Carmat.
Dans un communiqué, l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris) indique que « cette première implantation s’est déroulée de façon satisfaisante, la prothèse assurant automatiquement une circulation normale à un débit physiologique. [...] Pour satisfaisant qu’il soit actuellement, ce premier résultat ne permet pas de préjuger de l’évolution ultérieure de l’étude. »
Une vie presque normale
Le patient, âgé de 75 ans, était dans une situation de fin de vie, sans autre alternative, a expliqué le Pr Latrémouille. « L’intervention s’est déroulée dans de bonnes conditions. Dès le lendemain, il a été extubé, son respirateur artificiel retiré, ce qui correspond exactement aux conditions d’une transplantation cardiaque. Il n’y a pas eu de complications liées au caractère innovant de l’implantation, nous nous sommes retrouvés dans des conditions habituelles » de greffe cardiaque, a-t-il raconté.
Des cœurs artificiels sont implantés dans le monde depuis une dizaine d’année, mais il s’agissait de machines temporaires, posés dans l’attente d’une greffe. Avec la prothèse de Carmat, « le but est d’obtenir une vie normale avec un cœur artificiel. Ce n’est pas une vie complètement normale, car il y a quelques contraintes, comme celles liées à l’alimentation électrique indispensable pour faire fonctionner une telle machine », a expliqué le Pr Fabiani.
Un cœur à 160 000 euros
Le président François Hollande et la ministre de la Santé Marisol Touraine ont adressé leurs félicitations au Pr Carpentier et à l’équipe de chirurgiens de l’hôpital Georges-Pompidou.
D’autres greffes sont envisagées. « Un certain nombre de malades sont en train d’être sélectionnés, il est probable que dans les semaines qui viennent d’autres implantations soient faites », soit à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, soit à Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson, ou encore au CHU de Nantes, a déclaré le Dr Philippe Pouletty, cofondateur de Carmat lors d’une conférence de presse, samedi.
Ce cœur est destiné aux malades en assistance cardiaque terminale, trop âgés pour espérer une greffe. Un marché colossal : environ 100 000 malades en Europe et aux États-Unis ne pourront pas recevoir une transplantation, faute de greffons. Mais tous ne pourront bénéficier de cet appareil de 900 grammes, plus lourd qu’un cœur humain (300 g), qui ne peut être implanté que chez des personnes corpulentes : il est compatible avec 70% des thorax des hommes et 25% de ceux des femmes.
Autre obstacle, le prix. Ce cœur high tech coûte environ 160 000 euros, autant qu’une greffe et ses suites opératoires.
Le cœur Carmat est le fruit de l’obstination d’Alain Carpentier , 80 ans, génial inventeur, à la fin des années 60, des valves en tissus animaux, qui ont révolutionné le marché des valves cardiaques. A l’époque, faute d’avoir convaincu Rhône-Poulenc , il avait vendu son invention en Californie et fait, depuis 1968, la fortune des laboratoires Edwards et la sienne.
Sa grande ambition est de créer un cœur artificiel similaire à l'organe humain. A la fin des années 80, comme il l’a raconté au Nouvel Observateur, il rencontre Jean-Luc Lagardère , patron de Matra (futur EADS ) qui décide de l’aider, avec ses ingénieurs, à créer un cœur artificiel français. Il confie le projet à une demi-douzaine de génies en mécanique, hydraulique, électronique, informatique.
Commencent alors vingt ans de recherches. Après le décès de Jean-Luc Lagardère en 2003, EADS continue à soutenir Carpentier et en 2008 crée Carmat , contraction de Carpentier et de Matra , en y détachant les ingénieurs d’EADS qui travaillaient sur le cœur artificiel.
Aidée par de nouveaux financements du fonds Truffle et 33 millions d’euros d’aides publiques, puis cotée en Bourse, la société de Vélizy , qui aura coûté plus de 100 millions à ses investisseurs, se rapprochait du but ces dernières années. Depuis trois ans, elle multipliait les essais sur des animaux, notamment des veaux.
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