EN CINQ ANS, la prise en charge de valvulopathies s’est considérablement modifiée. La stratification du risque opératoire chez des patients de plus en plus âgés, les progrès spectaculaires des procédures de mise en place de prothèses par voie percutanée (TAVI, clip mitral) et les résultats des registres internationaux justifiaient les modifications présentées.
Les rétrécissements aortiques calcifiés.
Pathologie touchant le plus souvent des patients âgés, les rétrécissements aortiques (RA) calcifiés sont devenus, avec le vieillissement de la population, la valvulopathie la plus fréquente (Euro Heart Survey). Le concept de la Heart Team », groupe d’experts (spécialiste de l’imagerie, clinicien, chirurgien, gériatre), rend compte de la nécessité d’unir les compétences, tant pour le diagnostic que pour la prise en charge thérapeutique. La stratification du risque, l’espérance et la qualité de vie escomptées, les bénéfices des procédures par rapport aux risques encourus et à l’espérance de vie spontanée, les souhaits du patient et les possibilités locales pour une prise en charge optimale font l’objet de concertation et de confrontations d’experts.
Les critères de sévérité reposent sur l’échocardiographie. Ils sont désormais en accord avec les critères nord-américains ACC/AHA : surface ‹ 1 cm2 ou 0,6 cm2/m2, gradient moyen › 40 mmHg, vitesse maximale transaortique (Vmax) › 4 m/s. Par ailleurs, une nouvelle entité, la sténose aortique à bas débit paradoxal et à fraction d’éjection préservée, trouve désormais sa place dans la classification des RA.
Le calcul du risque repose sur l’utilisation de scores (EuroSCORE I et II, STS score), certes imparfaits mais permettant une assez bonne discrimination. D’autres scores plus adaptés sont en cours de préparation.
À côté des indications « classiques » du remplacement valvulaire en cas de rétrécissement aortique calcifié (RAC) symptomatique (tableau 1), le RAC à bas débit paradoxal trouve une indication à un remplacement valvulaire de niveau IIa C, dans la mesure où le degré de sévérité du RAC a été soigneusement confirmé.
Dans les RAC asymptomatiques, de nouvelles indications complètent les indications avérées (fraction d’éjection [FE] ‹ 50 %, réponse anormale à l’effort) :
– les RAC très sévères dont la Vmax est› 5,5 m/s, (classe IIa C) ;
– les valves très calcifiées avec une majoration annuelle de la Vmax › 0,3 m/s (classe IIa C) ;
– l’élévation importante du BNP sur des prélèvements répétés sans autre cause ;
– une augmentation du gradient moyen à l’échocardiographie d’effort › 20 mmHg ;
– et une hypertrophie pariétale excessive en l’absence d’hypertension (classe IIb C).
Les résultats des études PARTNER ont confirmé le bénéfice du remplacement valvulaire percutané (TAVI) chez les patients récusés pour la chirurgie ou à très haut risque opératoire. La décision d’implantation d’une prothèse par voie percutanée repose sur un faisceau d’arguments : une estimation du risque par un EuroSCORE › 20 %, un STS score › 10 %, mais également une fragilité du patient, une irradiation thoracique préalable, une aorte porcelaine, une chirurgie thoracique préalable (pontage).
Les contre-indications restent cependant fréquentes et seront soigneusement appréciées par le groupe d’experts.
Associé à une évaluation très stricte, le TAVI rentre donc désormais dans les recommandations (tableau 2). Il reste réservé aux patients récusés par la chirurgie ou à trop gros risque chirurgical, et dont l’espérance de vie est estimée être supérieure à un an. Le groupe d’experts peut décider d’un TAVI, s’il considère que cette solution est légitime pour un patient donné, mais Il n’y a pas d’indication actuelle au TAVI pour des patients pouvant bénéficier d’une chirurgie classique.
Les anévrismes de l’aorte ascendante.
Si les indications de remplacement valvulaire dans les fuites aortiques sont les mêmes (patients symptomatiques = I B, patients asymptomatiques avec FE ‹ 50 % = I B, patients asymptomatiques avec dilatation ventriculaire gauche sévère, diamètre télé systolique › 70 mm, ou télésystolique › 50 mm ou 25 mm/m2 = IIa C, patients devant subir une autre chirurgie cardiaque = I C), la prise en charge des anévrismes de l’aorte ascendante a été modifiée. De nombreuses publications ont en effet apporté la preuve que la valeur absolue du diamètre aortique est insuffisante pour stratifier le risque de complications (dissection, rupture).
La limite de 45 mm de diamètre pour la maladie de Marfan passe à 50 mm (classe I C), diamètre qui justifie de façon isolée une chirurgie préventive.
La présence de facteurs de risque (antécédent familial de dissection, coarctation associée dans les bicuspidies, hypertension artérielle) et d’évolutivité (majoration de plus de 3 mm par an) ou désir de grossesse sont associés au calibre de l’aorte pour stratifier le risque chez ces patients, afin de poser au mieux les indications opératoires.
Ainsi, la chirurgie de l’aorte ascendante sera envisagée (classe IIa) :
– en cas d’aorte› 45 mm dans la maladie de Marfan en présence de facteurs de risque associés ;
– en cas d’aorte› 50 mm pour les bicuspidies en présence de facteurs de risque associés ;
– en cas d’aorte› 55 mm pour tous les autres patients.
Les fuites mitrales.
Pour les fuites mitrales, la décision de réparer ou de remplacer la valve dépend essentiellement de l’anatomie mitrale décrite en échographie, de l’expertise locale et de l’état du patient
La chirurgie est indiquée en cas de fuites mitrales importantes symptomatiques (IC).
En cas de FE abaissée ‹ 30 %, si la plastie est également indiquée, le clip mitral peut être envisagé en cas de risque opératoire trop élevé, indication reposant sur l’analyse du groupe d’experts. Cette technique est également retenue dans les insuffisances mitrales fonctionnelles, le plus souvent d’origine ischémique, en cas d’échec du traitement médical chez des patients considérés comme inopérables.
En cas de fuite mitrale asymptomatique, la prise en charge thérapeutique reste controversée. L’indication chirurgicale dépend de la stratification du risque, de la possibilité d’une plastie efficace et du désir des patients informés. L’échographie d’effort fait son entrée mais à un niveau IIb C pour quantifier la tolérance hémodynamique (pression artérielle pulmonaire› 60 mmHg à l’effort), de même que la présence d’une dilatation auriculaire gauche (volume› 60 ml/m2 en rythme sinusal).
Ce qu’il faut retenir, c’est la place maintenant reconnue des procédures percutanées, la levée des critères durs du calibre aortique dans la chirurgie des anévrismes de l’aorte ascendante et l’arrivée de l’échocardiographie d’effort dans le RAC et l’IM, méritant d’être confirmée, avec un niveau de classe IIb C.
* Institut Cœur Effort Santé, Paris
Ces recommandations sont disponibles sur le site de la société européenne de cardiologie : escardio.org/guidelines.
Liens d’intérêt : octrois de recherche de la part de Daiichi Sankyo, MSD, BMS.
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