Alors qu’aux États-Unis, 122 000 médecins de plus de 65 ans étaient encore en exercice en 2017 - sur un total de 501 000 - la question des capacités cognitives, visuelles, manuelles (dextérité) et physiques (positions extrêmes prolongées) des environ 10 000 chirurgiens les plus âgés (plus de 70 ans) se pose. Dans un article publié début 2019 dans le JAMA, les Drs Katlic, Colleman et Russell s’interrogent sur les mesures à prendre dans un très proche avenir, sachant que, dans certaines spécialités chirurgicales, le pourcentage des plus de 55 ans est proche de 60 % (en chirurgie thoracique, par exemple).
Pourquoi interdit-on la pratique aux pilotes d’avions commerciaux de plus de 65 ans en se fondant sur leur moindre habileté physique, intellectuelle et émotionnelle et laisse-t-on des chirurgiens opérer pendant 8 heures debout en suturant des vaisseaux microscopiques ? Pour autant, doit-on se passer de l’expérience diagnostique des seniors et sur leurs possibilités de compagnonnage ?
Les performances diminuent avec l’âge
La question de l’impact de l’âge sur les fonctions cognitives des chirurgiens avait déjà été posée en 2008. À cette époque, 359 chirurgiens avaient accepté de tester chaque année pendant 6 ans leur attention, leur temps de réaction, leur apprentissage visuel et leur mémoire. Et comme tous les êtres humains, les chirurgiens voyaient leur performance diminuer avec l’âge. Mais seuls ceux qui en avaient conscience acceptaient de partir en retraite.
En 2017, les Drs Dellinger, Peligrini et Gallagher nuançaient le propos en précisant qu’il existe une très grande variabilité interindividuelle dans l’aptitude médicale. Effectivement, deux études sur la mortalité chirurgicale des opérateurs les plus âgés concluent de façon contradictoire. Mais il semblerait néanmoins que les chirurgiens âgés qui ont baissé leur temps opératoire soient plus à risque que les autres.
Chirurgien, c’est une identité
En 2016, l’American College of Surgeons a proposé que les chirurgiens de plus de 65 ans effectuent volontairement des tests dont les résultats ne seraient rendus qu’à l’intéressé afin qu’il puisse décider ou non de cesser son activité opératoire. Mais, comme le souligne le Dr Glen Gabbard, spécialiste de l’évaluation psychologique des médecins, « être chirurgien, c’est plus qu’un métier, c’est une identité acquise par des années de formation et d’expérience. Renoncer c’est perdre une partie de soi que souvent ces médecins préfèrent cacher sous un prétexte de manque de confrères pour prendre leur suite ("qui va s’occuper de mes malades ?") ».
Une activité de transition
De plus en plus d’établissements aux États-Unis refusent que les chirurgiens de plus de 70 ans prolongent leur activité. Le collège des chirurgiens a été saisi et un livre blanc est en cours d’élaboration sur la « transition des chirurgiens seniors ». Ce texte contiendra des propositions d’implication volontaire des chirurgiens les plus âgés dans les programmes de formation des plus jeunes ou dans la recherche.
En France, aucune mesure de ce type n’est actuellement envisagée par le Conseil National de l’Ordre des Médecin et régulièrement des médecins âgés – voire très âgés – font la une des journaux grand public.
Katlic M, Coleman J, Russell M. Assessing the Performance of Aging Surgeons. JAMA. 2019;321(5):449-450. doi:10.1001/jama.2018.22216
Bieliauskas L, Langenecker S, Graver C et coll. Cognitive Changes and Retirement among Senior Surgeons (CCRASS): Results from the CCRASS Study. Journal of the American College of Surgeons. DOI : https://doi.org/10.1016/j.jamcollsurg.2008.01.022
Dellinger E, Pelligrini C, Gallagher T. The Aging Physician and the Medical Profession. JAMA Surg. 2017;152(10):967-971. doi:10.1001/jamasurg.2017.2342
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