PAR LE Pr PIERRE COSTE*
LES ENDOPROTHESES coronaires ont considérablement évolué au cours des quinze dernières années, avec des modifications qui portent sur les matériaux, passant de l’acier 316L à des alliages complexes, chrome–cobalt (CrCo) ou platine–cobalt (PtCo), par exemple. Les objectifs étaient les suivants :
– réduire l’épaisseur des mailles pour limiter la réaction inflammatoire et la resténose ;
– améliorer leur capacité à progresser facilement dans n’importe quelle anatomie coronaire, en jouant sur la flexibilité et la conformabilité ;
– augmenter leur radio-opacité.
D’autres paramètres biomécaniques ont aussi changé, en particulier la résistance à la compression après déploiement, par une optimisation de la géométrie des mailles et de leurs connexions. Enfin, le ballon porteur permet aujourd’hui d’impacter la prothèse avec des pressions fortes, plus adaptées à des artères résistantes à la distension.
La resténose, expression de la cicatrisation exubérante qui se développe suite à l’agression de la paroi vasculaire, dépend surtout de la population traitée, ce qui rend la comparaison des études délicates.
Avec les BMS, sa fréquence varie de 16 à 30 %, dans des études comparatives randomisées avec contrôle angiographique, et les dernières générations donnent de meilleurs résultats que ceux observés dans les études anciennes utilisées dans les métaanalyses (figure 1). On regroupe malheureusement souvent les BMS sans distinguer les plateformes au mépris de leur composition, or les BMS récents en alliage de cobalt-chrome ou platine-chrome, ont une épaisseur variant de 65 à 80 µ, alors qu’elle dépassait 120 µ dans les essais comparatifs qui ont validé les DES.
En pratique, il faut aussi considérer la fréquence des réinterventions sur le vaisseau traité (ou TLR) évaluée en moyenne à 15 % avec tous les BMS utilisés depuis 2002 (1). L’estimation sur des registres récents serait plutôt entre 5 et 11 %, mais il est difficile de faire une analyse comparative des divers stents disponibles. L’essai récent BASKET-PROVE, effectué sur des vaisseaux de plus de 3 mm avec un BMS à mailles fines (80 µ), révèle un risque de TLR de 8,9 % après 2 ans de suivi (2). Le DES diminue ce risque par 2, mais cette réduction est indépendante de la structure du stent (figure 2). Dans une cohorte américaine de plus de 27 000 patients, le taux de revascularisations du vaisseau cible à un an est de 6,7 % avec un DES contre 11 % avec un BMS (3). Il s’agit pourtant de stents de première génération, implantés entre 2004 et 2007.
Le stent actif est associé initialement à un risque hémorragique, puisque les dernières générations semblent apporter des garanties sur la sécurité, en particulier sur le risque de thrombose (très) tardive (1). Les saignements sont induits par l’administration prolongée de l’association d’aspirine et d’un anti-P2Y12 (clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) pendant 6 à 12 mois selon le type de DES utilisé. Une durée de 6 mois est acceptée pour les stents au zotarolimus et à l’évérolimus, mais elle est encore inconnue pour les premières générations. Rappelons que dans l’étude CHARISMA, le risque d’hémorragie mineure sous aspirine-clopidogrel est multiplié par 3.
Il faut utiliser un BMS dans les cas à risque suivants :
– difficulté de recueillir les antécédents du patient, notamment en cas d’urgence dans la prise en charge d’un syndrome coronarien aigu ;
– mauvaise observance du traitement ;
– chirurgie programmée à brève échéance avec obligation d’interrompre les antiagrégants plaquettaires ;
– patients à haut risque hémorragique, tels que ceux soumis à un traitement par antivitamine K, ou un des nouveaux anticoagulants oraux ;
– allergies ou intolérance aux antiagrégants plaquettaires.
Chez les patients à faible risque de resténose, les nouveaux BMS fournissent des résultats encourageants et ils limitent la durée de l’exposition aux antiagrégants plaquettaires à seulement 1 mois. L’impact financier de cette mesure mérite cependant d’être évalué.
La place des BMS (DES ?) pourrait donc suivre plutôt les recommandations américaines qui souhaitent un excellent rapport coût-investissement en privilégiant les cas à haut risque de resténose : tronc commun, petit vaisseau, lésion longue, lésions multiples et patients diabétiques. Les recommandations européennes sont plutôt globalisantes, en prônant le DES par défaut, sauf en cas d’impossibilité de maintien des antiagrégants plaquettaires pendant au moins 6 mois.
Au cas par cas.
Le risque de resténose est effectivement plus faible avec les dernières générations de BMS mais les stents actifs améliorent encore les résultats cliniques en évitant quelques actes de revascularisation ultérieurs.
Le choix du type d’endoprothèse devrait être fait au cas par cas, en fonction du patient et des caractéristiques coronarographiques, en particulier la taille du vaisseau et la longueur de la lésion. Enfin, ne jamais oublier que l’on ne traite qu’un petit segment du réseau coronaire et que la prévention secondaire drastique des événements athéro-thrombotiques est la seule action qui va diminuer à long terme le risque d’infarctus et la mortalité cardio-vasculaire.
* USIC et plateau de cardiologie interventionnelle, hôpital cardiologique, université de Bordeaux, Pessac. Correspondence : pierre.coste@u-bordeaux2.fr
Liens d’intérêt : aucun dans le cadre de cet article.
(1) Bangalore S et coll. Short- and long-term outcomes with drug-eluting and bare-metal coronary stents. A mixed-treatment comparison analysis of 117 762 patient-years of follow-up from randomized trials. Circulation 2012; 125:2873-2891
(2) Yeh RW et coll. Predicting the restenosis benefit of drug-eluting versus bare metal stents in percutaneous coronary intervention. Circulation 2011; 124:1557-1564.
(3) Kaiser C, coll. Drug-eluting versus bare-metal stents in large coronary arteries. N Engl J Med 2010;363:2310-9.
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