PIERRE LE COZ, vice-président du Comité consultatif national d’éthique et professeur d’éthique médicale à Marseille, estime que le projet de révision de la loi bioéthique est « bien équilibré ». « L’esprit de la loi est bien celui de l’autonomie, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de l’autorégulation ou de l’autolimitation. Il faut rappeler aux gens que la liberté ne se trouve pas dans l’absence de contraintes ni la subversion mais dans le fait de se donner des limites. J’aurais été extrêmement déçu si l’on avait abouti à un démantèlement des principes de la loi bioéthique patiemment élaborés depuis tant d’années. »
Pour le philosophe, le texte proposé par la ministre de la Santé suit l’évolution des mœurs « sans céder aux pressions des lobbyings ni aux sirènes de l’ultralibéralisme ». Les textes de loi doivent faire preuve de sagesse, estime-t-il en défendant, par exemple, le droit de l’enfant et non pas le droit à l’enfant. « Comme de nombreux pédopsychiatres, j’ai dans l’idée qu’un enfant a droit à un père et une mère. En la matière, on ne peut pas accéder à toutes les demandes : les solutions qu’on pourrait admettre aujourd’hui ne feraient qu’amplifier les problèmes in fine. »
Pierre Le Coz regrette en revanche que le gouvernement n’ouvre pas la voie à la conservation autologue de sang de cordon. « La médecine n’a jamais progressé qu’en bougeant certaines lignes. Je suis choqué par la situation : c’est une dégringolade pour la France alors que nous étions pionniers, en 1987, avec la première greffe mondiale de sang de cordon effectuée par le Pr Éliane Gluckman chez un enfant atteint d’un dysfonctionnement de la moelle osseuse. La médecine régénérative peut être une vraie révolution. Par ailleurs, cette voie sera à terme une alternative à la transplantation d’organes qui est une pratique bien plus transgressive. Actuellement, on envisage d’élargir le cercle des donneurs vivants, comme si la greffe entre vifs était quelque chose de banal. C’est loin d’être le cas », déclare-t-il au « Quotidien ».
L’augmentation du nombre de greffes de sang placentaire crée une forte demande de conservation de sang de cordon à laquelle le système français ne peut encore répondre. Seules sont autorisées (par l’Agence de la biomédecine) des banques allogéniques publiques : 8 500 unités de sang placentaire sont conservées en France alors que le nombre nécessaire pour couvrir les besoins est estimé entre 20 000 et 40 000 greffons. Contrairement à la France qui tend à être l’exception, de nombreux pays (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Italie, etc.) ont admis l’existence de banques privées ou mixtes. Certains chercheurs et praticiens (dont le Pr Gluckman aujourd’hui) ont pris position en faveur de leur légalisation, au regard des espoirs thérapeutique à moyen ou long terme, essentiellement sous une forme mixte qui puisse préserver le modèle de conservation fondé sur des dons non dédiés. « Les législateurs ne peuvent-ils pas trouver un système qui puisse permettre de poursuivre la recherche sur cette potentialité thérapeutique et protéger en même temps les citoyens d’une dérive autocentrée ? Il s’agit vraiment d’un manque d’imagination », déplore-t-il.
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