PAR LE Dr BERNARD CHEVALIER*
LES STENTS actifs de première génération ont été conçus à partir d’éléments existants non dédiés à un usage intravasculaire qu’il s’agisse de la drogue ou du polymère. Ils étaient responsables, à côté de leur effet antiresténotique indiscutable, tout au moins pour le Cypher et le Taxus, d’un retard d’endothélialisation, d’inflammation chronique et d’hypersensibilité. Néanmoins, ils n’étaient pas égaux entre eux et les metaanalyses réalisées à partir des essais comparatifs ont montré un surrisque de réintervention et de thrombose tardive associé à l’utilisation du Taxus. L’Endeavor était encore moins actif sans que cela ne s’accompagne, en échange, d’un risque thrombotique moindre. Il s’était donc dégagé au fil du temps un « gold standard » : le Cypher, qui vient malheureusement d’être retiré du marché par son fabricant, 10 ans après avoir été à l’origine de la révolution du stent actif avec l’étude RAVEL.
La recherche d’une meilleure biocompatibilité a été au centre du développement des nouvelles plateformes, visant à baisser le risque de thrombose de stent. On dit volontiers que quatre acteurs interagissent : la paroi artérielle, le polymère, la drogue, la plateforme métallique. En fait, on pourrait logiquement en ajouter un cinquième, la technique de pose, qui est essentielle car c’est le bon contact entre les mailles et le tissu artériel qui permet la délivrance de la drogue. Le premier facteur relevant du patient et le dernier du médecin, le dispositif concentre les trois autres. Que sait-on de ces trois facteurs ?
La plateforme métallique doit assurer la force radiale, la visibilité et limiter autant que possible la stimulation de l’hyperplasie, ce qui conduit à réduire la quantité de métal et la largeur des mailles. À ce jour, il n’y a pas de preuve solide que les nouveaux alliages fassent mieux que le vieil acier inoxydable 316L. À moyen et long terme, sa présence est néanmoins inutile, voire délétère (risque de thrombose et de néoathérome), ce qui conduit au développement de stent complètement absorbable.
La drogue assure l’effet anti-inflammatoire et antiprolifératif. Ne pas en mettre sur la face intraluminale des mailles du stent peut certainement avoir un effet positif sur la qualité et la rapidité de réendothélialisation. Les insuffisances du stent Taxus et le succès du Cypher ont conduit à sélectionner uniquement des analogues du sirolimus, évérolimus, biolimus, zotarolimus, corolimus, novolimus, voire le sirolimus lui-même puisqu’en voie de tomber dans le domaine public. Certaines de ces drogues ont l’avantage d’être plus lipophiles ou plus puissantes, permettant ainsi la réduction de la dose administrée.
Le polymère est certainement le principal responsable des effets secondaires thrombotiques du passé. En diminuer la quantité, le sélectionner biocompatible et résistant aux agressions mécaniques, le rendre résorbable sont trois approches qui sont testées isolément ou en association. Le mieux serait de s’en passer, mais il reste un excellent outil pour capter puis relarguer la drogue avec une cinétique de diffusion relativement reproductible. Néanmoins, l’usage d’un coating lipidique et/ou d’une microporosité est une solution en cours d’évaluation.
Il y a malheureusement moins de développement allant dans le sens d’une meilleure efficacité qui reste insuffisante chez le tritronculaire diabétique, comme l’a mis en lumière l’étude SYNTAX. Une approche fondée sur une association thérapeutique serait certainement une voie de recherche à réactiver.
Le bénéfice de ces nouveaux stents.
Leurs effets angiographiques ont pu rapidement être mesurés, et ont confirmé leur équivalence par rapport au « gold standard », c’est-à-dire le Cypher. Dans la mesure où le bénéfice attendu portait sur des événements peu fréquents (resténose tardive, thrombose tardive), il a fallu l’accumulation d’essais multiples, de metaanalyses et de suivis prolongés pour confirmer l’effet positif de ces nouvelles plateformes, le plus souvent par rapport au Taxus, mais également pour trois d’entre elles – Xience, Biomatrix, Nobori – par rapport au Cypher. Il est à noter que ces derniers stents font appel à des technologies différentes (coating permanent passivateur – coating bioabsorbable abluminal) qu’il est impossible de départager en l’état actuel des données cliniques.
Leur usage s’accompagne d’un taux de reinterventions pour resténose de l’ordre de 2 à 3 % la première année et d’un taux de thromboses tardives de l’ordre de 0,1 à 0,2 % par an, c’est-à-dire du même ordre que ceux observés avec un stent nu. Un effet positif sur la thrombose précoce, par rapport au stent nu, a même été constaté dans quelques études. Des effets bénéfiques sur la mortalité à long terme commencent à voir le jour lorsque ces stents sont utilisés, notamment chez les patients à haut risque.
L’accumulation de données autour du Xience tend à lui faire prendre la place de « gold standard », laissé vacante par le Cypher. Néanmoins, les trois stents cités plus haut ont fait l’objet d’études, certes non randomisées, sur des cohortes de patients ayant arrêté le clopidogrel prématurément, avant les 6 mois recommandés. Après trois mois, il n’y a pas été mis en évidence d’association avec une thrombose de stent tardive. Les études récentes confirment que la durée optimale de bithérapie antiplaquettaire ne dépasse pas 6 mois avec ces endoprothèses. Au-delà, c’est le contexte clinique et non la présence d’un ou de plusieurs stents actifs qui fera prendre la décision de poursuivre. Quelle que soit la disposition prise, le patient stenté reste un coronarien, donc candidat à un traitement définitif par aspirine.
Plus récemment, deux autres stents actifs, le Promus et le Resolute, ont montré une équivalence avec le Xience. Le suivi ultérieur devra confirmer ce fait.
D’autres stents actifs, parfois dits de troisième génération, sont en cours d’évaluation clinique, explorant les différentes pistes de développement. Néanmoins, leur arrivée en France sera retardée car le simple marquage CE ne suffit pas pour une utilisation dans notre pays et un passage en commission d’évaluation médicale est nécessaire. Ainsi, sur les 26 types de stents actifs marqués CE, et dont l’efficacité et/ou la sécurité est parfois incertaine, voire inconnue, seulement cinq stents actifs de deuxième génération sont agréés.
La prochaine étape.
La disparition progressive du stent actif après son implantation est fort probablement la prochaine évolution thérapeutique, la troisième en fait après le développement du stent puis du stent actif. Elle a l’avantage de conserver les effets mécaniques bénéfiques immédiats du stent, les effets antiresténotiques du stent actif et d’éliminer les conséquences néfastes de l’implant métallique sur la conformabilité, le remodelage et la vasomotricité artérielle, ainsi que sur l’athérogenèse. Les évaluations cliniques en cours vont pour l’instant dans ce sens sans compromettre l’efficacité.
* Institut cardiovasculaire Paris Sud (Massy, Quincy).
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