LA PARALYSIE musculaire survenant après une lésion de la moelle épinière est non seulement causée par une perte des voies cortico-spinales et réticulo-spinales qui contrôlent les mouvements volontaires (et utilisent la transmission glutamatergique), mais aussi par une perte des projections sérotoninergiques du tronc cérébral qui maintiennent les motoneurones et interneurones dans un état d’excitabilité, prêts à répondre aux entrées synaptiques rapides du glutamate pour provoquer les contractions musculaires appropriées.
Normalement, la sérotonine maintient l’excitabilité des motoneurones en activant à leur surface les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2 qui facilitent les courants ioniques persistants (PIC). Lorsque la lésion médullaire entraîne la perte de sérotonine issue du tronc cérébral, les motoneurones se retrouvent dans un état non excitable (avec des petits PIC), correspondant à la paralysie, à l’aréflexie et au choc spinal qui sont observés immédiatement après la lésion médullaire.
Autoréparation.
Dans un remarquable exemple des capacités d’autoréparation de l’organisme au cours des semaines qui suivent la lésion, les motoneurones retrouvent spontanément leur excitabilité (avec de grands PIC) en l’absence continue de sérotonine ; ce qui explique la possibilité d’une certaine récupération motrice dans les mois suivants. Effet positif qui est toutefois associé à un effet négatif : en raison du faible contrôle inhibiteur des interneurones médullaires, qui sont normalement régulés par les voies descendantes, l’activité restaurée des motoneurones est excessive et provoque des contractions musculaires incontrôlées et débilitantes (spasmes).
Une grande question demeure. Comment les motoneurones s’adaptent-ils à la perte de sérotonine pour retrouver leur excitabilité ?
L’équipe de David Bennett et Karim Fouad (université d’Alberta, Edmonton) éclaircit cette question en étudiant le rat soumis à une section médullaire (complète ou incomplète).
Ils montrent que, dans les mois qui suivent, les récepteurs 5-HT2C sur les motoneurones deviennent spontanément actifs (activité constitutive). Il survient en effet une production accrue d’une isoforme spontanément active du récepteur 5-HT2C.
Cette activité spontanée du récepteur restaure les courants calciques persistants (PIC) dans les motoneurones en l’absence de sérotonine.
Lutte contre les spasmes.
Les chercheurs montrent que cela aide les motoneurones à retrouver leur aptitude à produire des contractions musculaires prolongées, et permet finalement la récupération de fonctions motrices comme la locomotion. Cependant, sans la régulation du cerveau, ces contractions soutenues peuvent aussi causer des spasmes musculaires. Un traitement oral par cyproheptadine, inhibant l’activité constitutive des récepteurs 5-HT2, élimine ces courants calciques et des spasmes musculaires expérimentalement induits, tant chez les rats que chez des patients blessés médullaires (n = 7).
Cette découverte pourrait donc ouvrir la voie à des traitements. Peut-être en activant davantage les récepteurs sérotoninergiques, par exemple en utilisant des antidépresseurs inhibant la recapture de la sérotonine (exemple, citalopram), serait-il possible d’améliorer la récupération fonctionnelle comme la marche, suggère un communiqué de presse de l’université.
Chez les sujets ayant des lésions médullaires sévères, sans possibilité de récupération de la fonction motrice volontaire, on pourrait lutter contre les spasmes en utilisant des médicaments disponibles, par exemple la cyproheptadine, ou en développant des médicaments plus sélectifs qui inhibent spécifiquement les récepteurs 5-HT2C.
« Nous poursuivons de petits essais cliniques, mais rien de grand encore avant que nous ne comprenions mieux les mécanismes chez les humains », confie au « Quotidien » le Dr Bennett.
Nature Medicine, 30 mai 2010, Murray et coll., DOI: 10.1038/nm.2160
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