Activation de l’aire de Brodman BA44 gauche

Contagiosité du grattage : c’est dans la tête que ça se passe

Publié le 14/11/2012
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Crédit photo : PHANIE

DE NOTRE CORRESPONDANT

LE FAIT d’assister à des congrès de dermatologie peut donner l’occasion de surprendre ici et là des gestes inconscients de grattage... Curieux de mieux connaître le substrat neurologique de l’expérience subjective de grattage « par contagion », des chercheurs de Brighton et de Hull (Angleterre) ont réalisé une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) chez des sujets des deux sexes (n = 18) à qui était montrées des vidéos où des hommes ou des femmes se grattaient au niveau du bras, de l’avant-bras ou du torse, les contrôles étant représentés par des personnes ayant un geste de tapotement au niveau des mêmes régions anatomiques. L’épreuve était filmée et on demandait en outre aux participants d’évaluer le degré de la sensation prurigineuse qu’ils avaient éventuellement ressentie lors de la vision de ces clips.

Expérience des émotions négatives.

Tout d’abord, il est clair que le degré de prurit est plus élevé après la vision de vidéos de personnes se grattant et que la fréquence des gestes de grattage est plus grande par rapport à la vision des vidéos contrôles (132 vs 90, soit 59,5 % vs 40,5 % des cas), ce qui valide la méthode. Les auteurs ont calculé que les participants se grattent 1,64 fois plus après une vidéo de personnes se grattant qu’après une vidéo contrôle.

Divers comportements contagieux ont été mis en relation avec l’empathie. En est-il de même en ce qui concerne le grattage ? L’équipe de J. Ward a soumis les participants à des questionnaires de personnalité et découvert que le seul prédictif significatif de grattage nerveux est le neuroticisme, à savoir la tendance à l’expérience des émotions négatives : celle-ci est plus marquée chez les personnes qui sont le plus enclines à se gratter en voyant d’autres se gratter. Aucune relation, en revanche, avec l’empathie.

IRM fonctionnelle.

Les IRMf, réalisées chez 18 des 33 participants, objectivent l’activation de la plupart des régions cérébrales impliquées dans le prurit expérimental, à savoir le thalamus, le cortex somatosensoriel primaire, le cortex prémoteur (BA6) et l’insula antérieure, mais aussi celle de l’aire BA44 à gauche. En outre, seule l’aire BA44 gauche, avec le cortex somatosensoriel primaire et l’aire BA6, était corrélée de manière significative avec l’intensité de la sensation prurigineuse (r = 0,69, 0,90 et 0,71, respectivement). Il est intéressant que l’aire BA44 gauche est la seule région dont l’activation, en neuro-imagerie, est corrélée significativement avec des témoins de neuroticisme chez les participants.

Les régions cérébrales impliquées dans le grattage nerveux déclenché par la vue d’autres personnes se grattant recouvrent donc globalement celles incriminées lors de grattage expérimental provoqué par l’histamine. Mais la mise en cause d’une nouvelle aire (l’aire de Brodman BA44 gauche), elle-même corrélée au neuroticisme, ajoute un autre élément à la compréhension du prurit nerveux, ce qui l’oppose à d’autres comportements « contagieux », dictés par l’empathie.

Jamie Ward et coll. Neural basis of contagious itch and why some people are more prone to it. Proc Natl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9189