Les édulcorants artificiels non caloriques (EANC) sont des compléments alimentaires aujourd’hui couramment consommés par des millions de personnes dans le monde, comme moyen de lutter contre le gain de poids et le diabète, en conservant un goût sucré sans augmentation de l'apport calorique. Alors qu'ils sont considérés comme sûrs, il existe une controverse croissante en ce qui concerne leur capacité potentielle à promouvoir des perturbations métaboliques chez certains sujets. Des études épidémiologiques prospectives indiquent en effet que les personnes consommant de grandes quantités de boissons contenant des EANC – que nous connaissons tous depuis des décennies maintenant et qui sont très consommés par les adultes comme les plus jeunes – exposent à un risque plus élevé de développer un diabète de type 2 (DT2).
GIP, GLP 1, GLP 2… et SGLT 1
Cependant, les mécanismes en cause restent inconnus. Chez les animaux, une exposition aiguë à ces EANC active des récepteurs intestinaux gustatifs, ce qui a pour effet d’entraîner un relargage d’un certain nombre de peptides, comme le GIP (fabriqué au niveau des cellules proximales K de l’intestin), le GLP 1 et le GLP 2, provenant de régions plus distales, les cellules L intestinales. Ces édulcorants auraient aussi l’effet particulier de multiplier les transporteurs SGLT 1 dans l’intestin, entraînant une augmentation de l’absorption du glucose et conséquemment des glycémies postprandiales plus élevées.
Cependant, on ignore jusqu’à présent si les EANC peuvent altérer l’absorption du glucose chez l’humain et de ce fait modifier le contrôle glycémique post-prandial d’une façon péjorative.
1,5 l de soda light par jour
27 sujets sains, d’âge moyen 27 ans, IMC 24 kg/m2 ont été randomisés selon une double approche, soit une diététique contenant un placebo (n = 14) soit une supplémentation en EANC (n = 13), sous forme de capsule trois fois par jour avant les repas pendant deux semaines, contenant 92 mg de sucralose et 52 mg d’acesulfame, ce qui équivaut à 1,5 litre de « boisson light » par jour.
Les sujets ont été explorés après une nuit de jeune. Ils ont reçu une infusion de glucose par voie duodénale (glucose froid 30 g/150 ml d’eau et 3 grammes de 3-O-Methyl glucose, 3-OMG). Les mesures ont consisté en une quantification de l’absorption du 3-OMG, des glycémies, insulinémies et des peptides intestinaux (GLP 1, GLP 2, GIP) avec le calcul de l’élévation de l’aire sous la courbe (AUC) entre 0 et 120 minutes de ces paramètres (iAUC 0-120 min).
+ 23% d’absorption de glucose
Résultat, la supplémentation par édulcorant artificiel accroît l’aire sous la courbe, de 23 % pour l’absorption du glucose et de 27 % pour la glycémie, et atténue de 35 % la réponse du GLP 1, le tout avec un p < 0,05, versus la prise du placebo qui n’a modifié aucun de ces paramètres. L’insulinémie, le GLP 2 et le GIP ne restent globalement que peu modifiés par les EANC pour l’iAUC ; cependant les insulinémies, le GLP 2 et les insulinémies étaient plus basses au temps de 40 à 60 min (– 37 %).
Un risque métabolique
En somme, les EANC auraient bien un effet délétère sur les glycémies post-prandiales. Cela serait en toute logique secondaire à une absorption intestinale accrue du glucose et peut-être à une moindre réponse du GLP 1. Ces paramètres pouvant jouer sur le contrôle glycémique post-prandial, cela pourrait expliquer en partie les résultats des études épidémiologiques faisant état de risques métaboliques, dont celui d’un risque accru de développer un DT2. D’autres études humaines de cette qualité sont à attendre, et permettront de répondre demain quant à la nocivité ou l’innocuité d’aliments et boissons dites « light ».
Rappelons enfin que d’autres mécanismes, à l’origine des perturbations métaboliques, sont aujourd’hui explorés. Des groupes de recherche, travaillant sur une autre piste, ont récemment démontré que la consommation des EANC pourrait induire une intolérance au glucose chez la souris et certains groupes humains, en modifiant fonctionnellement le microbiome intestinal. Nous y reviendrons prochainement.
Professeur émérite université Grenoble Alpes
Impact of artificial sweeteners on glycaemic control in healthy humans - Abstract # 193 Session: Gastro-entero-pancreatic interactions. EASD 2017 Lisbonne Young RL et al.
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