De 18 à 20 % des diabétiques ont une rétinopathie, et cela fait près de 30 ans que son dépistage par la réalisation d'un fond d'œil annuel est recommandé. Mais il se heurte, en pratique, à certains freins, dont les problèmes de mobilité des patients et de démographie des ophtalmologistes. « Ce fond d'œil annuel est pourtant essentiel pour porter précocement le diagnostic, afin de traiter les lésions par laser avant qu'elles n’entraînent une perte de vue irréversible », rappelle la Pr Pascale Massin (Paris), qui est à l'origine du réseau OPHDIAT.
Parmi les stratégies développées pour améliorer la couverture du dépistage : la prise de photographies du fond d'œil, plus sensible que l'examen clinique et qui peut être réalisée sans dilatation de la pupille par un orthoptiste ou un infirmier. Promue dès la fin des années 1990, cette approche, très utilisée en Europe du Nord, a été diffusée en France, notamment sous l'impulsion de la Pr Pascale Massin.
Réseau de télémédecine
Le recours à un rétinographe performant a permis de développer un réseau de télémédecine, OPHDIAT, et d'installer des sites de dépistage au plus près des diabétiques (1). Les photographies sont ensuite envoyées de façon sécurisée vers un serveur et analysées par l'un des huit lecteurs qui se relaient à raison de trois heures par semaine chacun, avec une double lecture dans 5 % des cas. « Quelque 10 000 examens sont ainsi réalisés chaque année dans une quarantaine de sites en Ile-de-France, en partenariat avec l'AP-HP et l'Agence régionale de santé », rapporte la Pr Massin, avant de préciser que d'autres initiatives pour améliorer le dépistage de la rétinopathie diabétique ont vu le jour. C'est notamment le cas du recours à un camion itinérant équipé d'un rétinographe, initié en Bourgogne.
Au total, avec les examens classiques chez l'ophtalmologiste et ces différents dispositifs, environ la moitié des diabétiques bénéficient d'un fond d'œil de dépistage annuel, un chiffre qui évolue peu. Petite consolation : 75 % des sujets ont un dépistage tous les 2 ans.
Des freins à lever
« Nous avons désormais le soutien des tutelles, ce qui n'était pas le cas auparavant, se félicite la Pr Massin. Au niveau financier, nous avons obtenu une cotation de l'acte de télémédecine en 2014, mais en pratique nous ne pouvons pas facturer l'acte car nous ne disposons pas des outils pour récupérer les données des cartes vitales. La seule solution est de faire cette transmission manuellement, ce qui est très chronophage. Par ailleurs, s'il y a un acte de prise de clichés pour les orthoptistes, ce n'est pas le cas pour les infirmiers, qui sont pourtant plus nombreux dans les centres de santé. Enfin, les rétinographes restent relativement coûteux et nous espérons qu'une solution sera trouvée à l'occasion de leur plus large diffusion ».
Il importe donc de faciliter la mise en place des systèmes qui ont fait leur preuve, d'étudier le remboursement de l'acte chez les patients de plus de 70 ans, pour l'instant théoriquement exclus du réseau de télémédecine alors que la qualité des photos reste bonne, surtout après chirurgie de la cataracte, et enfin sensibiliser les patients.
Touchés les patients éloignés du soin
Comme dans d'autres domaines de la prévention, ce sont souvent les mêmes patients, ceux qui sont le plus suivis, qui participent le plus au dépistage, alors que les personnes défavorisées et les actifs (débordés) ne sont pas touchés. « Les remettre dans le parcours de soins reste un défi », regrette la Pr Massin.
Le laboratoire Bayer mène actuellement une campagne pour inciter les patients à se faire dépister, et propose notamment un site dédié (2) et la distribution de prospectus auprès des généralistes.
Une avancée viendra sans doute aussi du recours à des logiciels d'aide à la lecture, qui devraient permettre d'éliminer les images normales avec une sensibilité parfaite. « Nous travaillons avec un consortium pour évaluer les algorithmes, qui ont besoin d'être entraînés. Le modèle économique reste à trouver », conclut la Pr Massin.
Entretien avec la Pr Pascale Massin (Paris)
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