Le score calcique coronaire (CAC) est calculé à partir de l’imagerie des artères coronaires, réalisée lors d’un scanner cardiaque sans perfusion ni injection de produit de contraste (il ne s’agit pas d’un coroscanner). C’est un modificateur de risque : le CAC peut faire basculer un patient diabétique dont le risque était supposé élevé, soit dans le groupe « à risque modéré », soit dans le groupe « à très haut risque ». Mesurer ce score chez des diabétiques asymptomatiques considérés à haut risque coronaire sur des critères classiques, permet de dépister ceux à risque plus élevé de présenter une ischémie myocardique silencieuse (IMS). De quoi améliorer leur repérage et leur prise en charge. Le score CAC, qui ajoute une valeur de prédiction supplémentaire vis-à-vis du risque d’évènements cardiovasculaires, est donc amené à être de plus en plus prescrit par les cardiologues et les diabétologues pour préciser si un risque jugé élevé sur des critères classiques va s’avérer finalement modéré ou très élevé, ce qui change complètement la prise en charge du patient.
LE QUOTIDIEN : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au CAC ?
PR PAUL VALENSI : Cela fait 35 ans que je m’intéresse à la maladie coronaire silencieuse chez nos patients diabétiques et que nous demandons une scintigraphie myocardique de stress pour dépister l’IMS. Alors que l’IMS était fréquente autrefois, touchant quasi un tiers de nos patients hospitalisés, on ne la retrouve aujourd’hui que chez 10 % d’entre eux, probablement en raison d’une meilleure prise en charge des diabétiques depuis toutes ces années. La question de mieux repérer ces 10 % de patients à risque réellement élevé ou très élevé d’IMS, s’est donc posée. Or, l’épreuve d’effort, en première intention, n’a pas une bonne rentabilité. Il s’agit donc plutôt de recourir à une imagerie de stress (scintigraphie myocardique ou échocardiographie), chez les patients diabétiques ayant la plus forte probabilité d’avoir une IMS.
Vous avez été le premier à mener une étude en France sur l’intérêt du score calcique, qu’en est-il sorti ?
Pr Valensi : Nous avons réalisé une étude rétrospective qui a inclus 385 patients diabétiques asymptomatiques en prévention primaire, chez qui a été réalisé un score CAC et une scintigraphie myocardique d’effort pour détecter une ischémie myocardique. Quand celle-ci était identifiée, les patients bénéficiaient d’une angiographie coronaire pour repérer les sténoses coronaires. Cette étude a confirmé que mesurer le score calcique conduit à reclasser efficacement les patients, avec à la clé une amélioration du dépistage de l’IMS ou, à l’inverse, des objectifs thérapeutiques moins stricts lorsque le risque s’avère finalement modéré.
Les médecins se sont-ils approprié le score CAC en pratique courante ?
J’ai participé aux recommandations européennes en 2013, et à leur mise à jour en 2019 sur la stratégie de stratification du risque, dans laquelle le score CAC a une place, puis coordonné, avec le Pr Patrick Henry (cardiologue, hôpital Lariboisière à Paris), la recommandation française sur l’évaluation du risque coronaire chez les patients diabétiques. Beaucoup de CHU s’y sont donc mis, mais nous n’avons pas encore de retour dans le monde libéral. D’ailleurs, tous les centres de radiologie ne pratiquent pas le scanner cardiaque, d’autant qu’il faut un logiciel dédié ; mais, dans les centres où il est pratiqué, les prix sont raisonnables (30 € demandés en moyenne pour une cotation de 20 €) et ne représentent donc pas un obstacle. Il faut maintenant laisser aux diabétologues, aux cardiologues et aux radiologues, le temps de s’approprier cette recommandation et de prescrire la mesure du score CAC de façon adéquate.
Quelle est la recommandation lorsque le CAC revient élevé ?
Si le patient est déplacé ou conforté dans le très haut risque cardiovasculaire par le CAC, une ischémie myocardique silencieuse doit être recherchée (et uniquement chez ces patients) par une imagerie de stress plutôt que par une épreuve d’effort simple. C’est possible car grâce au CAC, il y a beaucoup moins de patients à tester qu’auparavant. C’est seulement si une ischémie myocardique silencieuse est retrouvée, qu’une coronarographie est préconisée, le patient étant alors bien sûr pris en charge par le cardiologue : certaines sténoses significatives ainsi détectées pourront être éligibles à une revascularisation. Sur nos 385 patients entrés dans cette stratégie, 10 % avaient une ischémie myocardique silencieuse, mais seulement 15 avaient des sténoses coronaires significatives qui justifiaient d’une revascularisation coronaire : cela donne une idée des proportions ! Selon nos données, à l’avenir, la pratique du CAC permettra de limiter grandement le nombre de patients justifiant la pratique d’une imagerie de stress.
En parallèle, chez les patients avec un CAC élevé, et a fortiori chez ceux avec une IMS, le contrôle renforcé des facteurs de risque et la prescription de médicaments protecteurs du cœur (en particulier les agonistes du récepteur du GLP1 et les inhibiteurs des SGLT2) doit être préconisée. Il est en effet important d’aller jusqu’au bout de la démarche pour ces patients à très haut risque.
Et quelle est la recommandation lorsque le CAC revient plus bas ?
Parmi les patients que nous considérions à risque très élevé selon les critères jusqu’ici en vigueur, les deux tiers ont été reclassés en risque modéré grâce au CAC. Ceux-là doivent juste être surveillés : si leur profil de risque évolue dans les trois à cinq ans, un CAC pourra être refait.
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