Le Pr Annick Alpérovitch, épidémiologiste de renom de l’INSERM, est à l’évidence dans l’embarras.
La note qu’elle a fait parvenir à la Direction générale de la santé (DGS) à la fin de l’année dernière, a fait l’objet de commentaires, parfois erronés, ce qui n’a pas manqué, fort logiquement, de susciter son courroux.
Dans une déclaration qu’elle a, fin janvier adressée à l’Agence de presse médicale (APM) et qui se retrouve sur plusieurs sites d’organisations médicales, elle s’était même déclarée « accablée » par un article diffusé sur le site d’un hebdomadaire médical et qui présentait, selon la dépêche AMP, « de manière erronée » ses conclusions faites à la DGS concernant les études sur le lien entre valvulopathies et Médiator.
Depuis cet épisode malheureux, le Pr Alpérovitch joue la prudence et a choisi de garder résolument le silence. Ce qui est bien évidemment son choix le plus strict.
« Le Quotidien », à l’heure de faire le point sur ce dossier brûlant, et comme l’impose sa mission d’information objective, a néanmoins demandé au Pr Annick Alpérovitch ses commentaires et des précisions sur le texte qu’elle a adressé à la DGS. Elle n’a pas voulu rompre ce silence. Dont acte.
Une rigueur contestée
Il n’empêche que la note de deux pages dactylographiées qu’elle a fait parvenir à la DGS est un élément important de ce dossier Médiator que notre rôle d’informateur nous conduit à porter à la connaissance des lecteurs du « Quotidien » afin qu’ils puissent avoir une connaissance complète du dossier.
Le Pr Alpérovitch - dont la pertinente analyse lors de l’affaire du Creutzfeldt-Jakob au début des années 2000 avait été saluée par nombre d’experts - reste en effet très critique vis-à-vis des études « officielles » sur le Médiator.
Elle déplore en particulier le manque de rigueur des deux études cas-témoins (Brest et Amiens). « Deux études vraiment pas bonnes, écrit-elle, peuvent-elles faire une vérité quand elles vont dans le même sens ? » « Pas sur du tout, répond-elle aussitôt, quand elles souffrent des mêmes biais »
L’étude cas-témoins du Dr Frachon fait l’objet de critiques sévères et elle « peut susciter le plus de réserves méthodologiques, la plus importante concernant le choix des témoins et des cas ».
En effet, écrit le Pr Alpérovitch « difficile de faire l’hypothèse que les témoins (patients ayant une insuffisance mitrale de cause connue) avaient a priori la même probabilité que les cas, d’être exposés au benfluorex ».
Même si l’étude conduite à Amiens (Tribouilloy), est sur ce point moins critiquable, aux yeux du Pr Alpérovitch, elle est malgré tout loin d’être exempte de reproches.
« Outre ce point majeur (définition des cas et des témoins), les deux études ont beaucoup d’autres faiblesses (validation des cas et témoins, évaluation et validation des expositions...), déplore l’épidémiologiste. Et le Pr Alpérovitch enfonce le cou. « On peut noter, écrit-elle, que l’exposition des cas au benfluorex est beaucoup plus élevée dans l’étude Frachon (70 % exposés) que dans celle de Tribouilloy (36 %), d’où une forte interrogation sur la sélection des cas dans l’étude de Frachon ».
Faiblesses
L’étude de la CNAM, même si elle est, selon le Pr Alpérovitch, « meilleure », notamment d’un point de vue méthodologique, est cependant montrée du doigt. « Ses faiblesses, écrit-elle, sont inhérentes à celles du PMSI (données statistiques des hôpitaux - N.D.L.R.) sur les pathologies et sur l’impossibilité - par manque de disponibilité des informations nécessaires - de faire les ajustements qui s’imposeraient » Et tombe le constat sévère : les « ajustements sont faits au mieux sur des "proxy" ».
Pour autant le Pr Alpérovitch se garde de tirer des conclusions définitives. « Compliqué, explique-t-elle. Mais peut-on considérer que trois études critiquables (voir très critiquables) mais concordantes peuvent apporter une évidence solide ? Difficile à défendre scientifiquement, même si cela peut justifier des décisions de santé publique ».
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