SELON LA FORMULE CONSACRÉE, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Le tout jeune, mais néanmoins gigantesque, consortium de recherche international créé en février 2010 et baptisé IGAP (pour International genomics of Alzheimer project) vient de publier la découverte de 11 nouvelles régions de susceptibilité dans la maladie d’Alzheimer. Ce n’est rien de moins que la plus grande étude jamais réalisée, doublant en moins de 3 ans le nombre de gènes identifiés, le portant désormais à 21. « Mais plus que le chiffre en lui-même, c’est l’approche développée qui est innovante, explique le Pr Philippe Amouyel, directeur de recherche Inserm-Institut Pasteur de Lille-Université Lille Nord de France, l’un des 4 « grands cerveaux » d’I-GAP et coordonnateur principal de l’étude. Grâce à un séquençage sans a priori, nous avons mis en lumière des zones qui seraient restées dans l’ombre autrement, car ne présentant "a priori" aucun intérêt ».
Pour obtenir cette précieuse récolte, il a fallu aux chercheurs moissonner très, très large en réanalysant au peigne fin le génome de plus de 17 000 cas de maladie d’Alzheimer déjà collectés en Europe et en Amérique du Nord, et en progressant ensuite par étapes successives avec une première mouture de 8 millions de mutations, puis une seconde ayant restreint le chiffre à 11 632 par comparaison aux 37 000 témoins, et enfin la troisième n’ayant retenu que les 11 fameux gènes par confrontation à des échantillons indépendants issus de 11 pays différents.
Le plaisir à avancer plus vite ensemble
Il faut bien reconnaître que les moyens déployés ont de quoi laisser rêveur. Le consortium I-GAP regroupe les trois quarts des généticiens travaillant sur la maladie d’Alzheimer à travers le monde, soit 145 institutions académiques, et ceci sous l’impulsion des responsables des 4 plus grands consortiums de recherche déjà existants. « Il est illusoire d’espérer que le miracle vienne d’une seule équipe aussi brillante soit-elle, poursuit le Pr Amouyel. Il reste que c’était un défi très ambitieux pour le management humain. Cette première expérience de collaboration très fructueuse a permis d’installer la confiance, le plaisir et l’enthousiasme à travailler ensemble entre les différentes équipes, semaine après semaine, une conférence téléphonique après l’autre. La communication des données est assurée par un serveur dédié commun à tous les intervenants et une vingtaine de chercheurs des 4 coins de la planète se retrouve chaque lundi soir à 18H00 pour faire le point. Chacun est désormais persuadé d’avancer plus vite ensemble que tout seul dans son coin ».
L’immunité relancée et l’hippocampe en plaque tournante
C’est ainsi qu’à côté des deux hypothèses fondamentales dans la maladie d’Alzheimer que sont les plaques amyloïdes et la protéine tau, se sont dévoilées d’autres pistes. « Il devient maintenant quasi incontestable que le système immunitaire a quelque chose à voir dans la maladie d’Alzheimer, explique le Pr Amouyel. L’une des associations les plus significatives a été en effet retrouvée dans une région du complexe majeur d’histocompatiblité sur le chromosome 6, la région HLA-DRB5/DRB. Or il se trouve de plus que cette même région a déjà été mise en cause dans d’autres maladies neurodégénératives telles que la sclérose en plaques et la maladie de Parkinson.Ceci suggère des mécanismes communs à ces différentes maladies, même si l’on ne sait pas encore si c’est dans le sens de la mort ou de la protection neuronales ». Le rôle de l’immunité avait d’ailleurs été avancé précédemment par l’équipe de Lille avec l’identification du gène TREM2.
Et déjà le projet « I-GAP 2.0 » à l’horizon
« La découverte du gène PTK2B est aussi très intéressante, poursuit le chercheur lillois. Elle renforce l’idée de la migration cellulaire mais surtout elle lance l’hypothèse de la fonction synaptique hippocampique. Alors que l’hippocampe est le siège initial de la maladie, ce pourrait être le chaînon manquant de transmission entre les plaques amyloïdes extraneuronales et la protéine tau intraneuronale. Il y a aussi le gène BIN1, qui se situe dans une région très proche de PTK2B, et qui ressort de façon très forte, puisque c’est le deuxième en fréquence après le gène APOE4 ». Nul besoin de dire que la découverte de ces 11 nouveaux gènes n’est que la partie émergée de l’iceberg, ces résultats appelant d’autres travaux, la grande machine est bel et bien lancée.
Les chercheurs s’affairent très activement, et 7 à 8 papiers sont en cours de préparation, par exemple sur l’influence des gènes sur l’âge de début, sur l’interaction entre gènes, sur l’influence de la présence de l’APOE4 ou encore sur l’ADN mitochondrial. « Le consortium a généré une effervescence intellectuelle, se réjouit le Pr Amouyel. Les grandes orientations futures de recherche vont viser à s’attaquer aux événements génomiques plus rares, à faire pour cela du criblage de très haut débit à l’aide du séquençage exomique et à monter des études fonctionnelles. Ce que nous sommes en train d’organiser en gouvernance partagée au sein d’une nouvelle collaboration, notre "I-GAP 2.0" ».
Nature Genetics, publié le 27 octobre 2013
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