DE NOTRE CORRESPONDANTE
« NOTRE ÉTUDE RENFORCE l’idée que l’ApoE est une cible thérapeutique de choix pour développer de nouvelles approches dans le traitement de la maladie d’Alzheimer », précise au Quotidien Eloise Hudry, une jeune neuroscientifique française travaillant depuis 4 ans dans le laboratoire de Bradley Hyman a la Harvard Medical School (Charleston, Etats-Unis), qui cosigne l’étude publiée dans Science Translational Medicine.
Le facteur de risque génétique le plus important associé à la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer est le variant e4 de l’apolipoprotéine E (ApoE4). Les personnes portant une copie ApoE4 ont un risque 3 fois plus grand de développer la maladie d’Alzheimer, et celles portant deux copies ApoE4 ont un risque douze fois plus grand, comparé aux personnes portant l’ApoE3 (allèle le plus répandu dans la population). De façon intéressante, l’ApoE2 est protecteur et réduit le risque de moitié.
Il restait toutefois a préciser par quels mécanismes ces variants ApoE confèrent un risque ou une protection, en sachant que l’ApoE régule le métabolisme du cholestérol dans le cerveau et peut se lier aux peptides Abeta.
« Le principal but de notre étude a été d’évaluer comment la présence des différents variants humains du gène ApoE pouvait affecter la progression de la maladie d’Alzheimer, et ceci après l’apparition des premières plaques amyloïde », explique Hudry.
"Pour ce faire, nous avons utilisé une approche par injection de vecteurs viraux ( AAV ou Adeno-associated Virus) directement dans le ventricule latéral de souris modèles de la maladie. Ces vecteurs ont permis la transduction des cellules ependymaires bordant le ventricule, qui ont servi a délivrer les différentes formes de l’APOE dans le liquide cérébro-spinal, « baignant » ainsi l’ensemble du parenchyme cérébral avec les différentes formes de l’APOE".
Les résultats se sont avérés particulièrement intéressants. Ils montrent qu’une augmentation modeste d’APOE2, APOE3 ou APOE4 (10% en plus par rapport à la concentration physiologique) peut avoir un effet sur le cours du développement de la pathologie, et ceci même après l’apparition des premières plaques amyloïdes. Ainsi, tandis que l’expression d’ApoE4 augmente la quantité d’amyloïde et la densité des plaques séniles au niveau du cortex, la présence d’ApoE2 a un effet inverse et est associée à un ralentissement voire une régression des dépôts.
Les taux d’Abeta.
De plus, les différents variants d’ApoE ont un effet sur la neurotoxicité associée aux formes solubles des peptides amyloïdes (ces oligomères solubles sont particulièrement neurotoxiques). La modeste augmentation d’ApoE4 augmente les taux d’Abeta soluble dans le liquide interstitiel et accentue la neurotoxicité autour des plaques, avec perte des synapses et déformation des neurites, tandis que la présence d’ApoE2 atténue ces effets. Enfin, l’ApoE3 et l’ApoE4 augmentent la rétention de l’Abeta dans le cerveau (diminuant sa clairance vers le plasma) par rapport a l’ApoE2.
En conclusion, cette étude suggère donc que le risque génétique de l’ApoE est médié par l’amyloïde-bêta. Et que le transfert génique ou d’autres approches diminuant l’ApoE4, ou augmentant l’ApoE2, pourraient être utiles pour ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer.
« Notre étude démontre qu’une augmentation modeste d’ApoE2 pourrait avoir un bénéfice thérapeutique sur le développement de la maladie d’Alzheimer », souligne Hudry. « Nous sommes actuellement en train d’évaluer la faisabilité et les risques associés à l’application de notre procédure chez le primate non-humain, afin de déterminer si cette stratégie pourrait être envisagée chez l’homme » .
« Je pense que les nombreux progrès des approches de thérapie génique vont permettre l’application de l’utilisation de ce type de stratégies pour de nombreuses maladies du système nerveux dans un futur proche », ajoute-t-elle.
Science Translational Medicine, 20 novembre 2013, Hudry et coll.
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