LE QUOTIDIEN - L’incidence du diabète est-elle vraiment en augmentation ?
Pr Luton - Il semble que l’incidence du diabète de type I soit en progression régulière depuis vingt ans. Il survient sur un terrain génétique prédisposant, surtout chez les enfants, les adolescents et les adultes jeunes. Le diabète de type II peut être considéré comme une véritable épidémie. Il est lié à des facteurs environnementaux et comportementaux (obésité et augmentation de IMC) et représente 85 à 90 % des cas de diabète. Il touche plus volontiers les adultes et serait lié à une augmentation de la consommation de graisses saturées et de sucres rapides, à la sédentarité. Le tabac aurait un facteur majorant.
Les femmes enceintes diabétiques sont elles plus nombreuses ?
Certainement. Sans parler des femmes ayant un diabète de type I ; celles atteintes d’un diabète de type II sont de plus en plus nombreuses et ce d’autant que ce dernier est lié à l’âge et que l’âge moyen de la première grossesse ne cesse d’augmenter chez des femmes souvent en excès de poids et sédentaires.
Quel est le retentissement de la grossesse sur la maladie diabétique ?
La grossesse peut déséquilibrer un diabète par augmentation de l’insulinorésistance. Pour éviter les hyperglycémies, il faut réguler la surveillance glycémique en adaptant les doses d’insuline dont les besoins sont augmentés. Mais, de façon paradoxale, si on augmente les doses d’antidiabétiques, on pourra être confronté à une hypoglycémie néfaste à la fois pour la mère et le fœtus. Il faudra, bien sur, se méfier des infections intercurrentes (infections urinaires par exemple) qui peuvent favoriser l’acidocétose.
Tous les antidiabétiques sont-ils autorisé pendant la grossesse ?
Non bien sûr, les sulfamides hypoglycémiants sont contre-indiqués. Ils sont tératogènes pendant le premier trimestre. Les biguanides (et en particulier la metformine) sont parfois prescrits à l’étranger ou lors de protocoles d’essais en France. Par principe de précaution, ils ne font pas encore partie de l’arsenal thérapeutique courant. Le passage à l’insulinothérapie est quasiment habituel .
La grossesse risque t-elle de favoriser la survenue de complications dégénératives liées au diabète ?
En effet, en cas de diabète de type I mal équilibré, la grossesse peut activer certains mécanismes dégénératifs comme la rétinopathie. Il faut donc, chez toute diabétique, demander un bilan vasculo-rénal et ophtalmologique complet si elle envisage ou si elle débute une grossesse.
Le diabète va-t-il agir sur le bon déroulement de la grossesse ?
Oui, quelque soit le type, I ou II, le responsable est l’hyperglycémie potentielle. Un diabète mal équilibré peut provoquer des malformations de l’appareil cardio vasculaire, du système nerveux central, de l’appareil urinaire ou digestif et du squelette. Le diabète mal équilibré va souvent être responsable de macrosomie. Néanmoins, certaines femmes diabétiques de type I voire de type II peuvent avoir des complications vasculaires liées à leur maladie : syndrome métabolique associé à une HTA et parfois une pré-éclampsie responsable alors d’un retard de croissance intra utérin (RCIU).
Il peut aussi s’accompagner de mort fœtale in utero. On ne retrouve d’ailleurs pas toujours la cause de ces décès sauf s’ils surviennent dans le cadre d’une pré-éclampsie ou d’une complication vasculaire. On a évoqué l’hypothèse de myocardiopathies. Ces grossesses peuvent être compliquées d’HTA avec augmentation du taux de toxémie et de pré éclampsies. Enfin le risque d’infection est toujours à craindre (infections urinaires). Dans le cas de mauvais équilibre ou s’il existe des malformations associées, ces grossesses peuvent s’accompagner d’excès de liquide amniotique et au pire d’hydramnios dont le risque majeur est la survenue d’un accouchement prématuré par sur distension.
Comment accouchent les diabétiques ?
Elles risquent d’accoucher prématurément. Leur prise en charge est parfois difficile à gérer. L’utilisation des inhibiteurs calciques et surtout du tractocile rend le problème moins compliqué que du temps des
ß mimétiques qui avaient un effet hyperglycémiant.
Le problème reste entier lorsque l’on doit employer des corticoïdes qui peuvent déséquilibrer la glycémie.
Une macrosomie fœtale avérée va faire préférer la pratique d’une césarienne (à terme) à une voie basse, et ce d’autant, que l’on sait qu’à poids égal un enfant de mère diabétique a plus de risque d’avoir une dystocie des épaules que si la mère ne l’est pas.
Cela nous amène à parler du nouveau-né de mère diabétique.
Le nouveau-né de mère diabétique a un risque de prématurité et de macrosomie. Il a également des risques de troubles métaboliques, d’hypo ou d’hyperglycémie voir d’hypocalcémie. Pendant sa vie fœtale, il a été soumis à d’éventuelles hyperglycémies maternelles et a développé un hyperinsulinisme réactionnel.
De plus, il est fragile sur le plan pulmonaire. En cas de prématurité, il sera plus à risque de maladie des membranes hyalines. Il faut éviter si possible de le faire naître trop tôt. De toute façon, il faudra prévoir une prise en charge pédiatrique adaptée. En cas de diabète de type I, les enfants ont plus de risque d’être diabétiques plus tard. En cas de diabète de type II voir gestationnel, ils auront des risques d’être confrontés à des problèmes d’ordre métabolique : obésité, hyperlipidémie, syndrome métabolique.
Les suites de couches sont-elles à surveiller spécifiquement ?
Oui bien sur, il faut prévenir la survenue d’une infection. S’agissant de la réadaptation du traitement, en cas d’insulinothérapie, il faudra revenir aux doses d’insuline antérieures à la grossesse et assurer son relais.Car au moment de l’accouchement, celle-ci avait été administrée par voie veineuse. L’allaitement est possible voire souhaitable dans le type II car il a un effet régulateur du métabolisme.
Comme surveiller une grossesse chez une diabétique. Faut-il la programmer ?
Cette programmation est essentielle. Elle va permettre de réduire au maximum le risque de malformations fœtales en assurant une régulation glycémique stricte et prendra place, idéalement, au moment de la consultation préconceptionelle. On en profitera d’ailleurs pour prescrire de l’acide folique.
Il faut envisager un bilan vasculo-rénal pour savoir si une grossesse peut être envisagée sereinement ou, parfois, être contre-indiquée. On pourra alors en cas de diabète de type II, envisager le passage à
l’insulinothérapie avant tout début de grossesse.
La surveillance morphologique du fœtus est essentielle. La première échographie sera idéalement pratiqué entre 11 et 13 SA .Les échographies suivantes seront souvent mensuelles, la date de l’échographie morphologique pourra être avancée à 18 semaines. Cela a pour but d’avoir plus de chance de détecter une malformation, de vérifier la croissance fœtale et d’apprécier son état vasculaire ; une échographie cardiaque fœtale pourra être pratiquée car le risque de malformation cardiaque est important.
Qui va surveiller le diabète de cette patiente ?
Il s’agit le plus souvent d’une surveillance multidisciplinaire. La patiente consultera alternativement tous les quinze jours son obstétricien et son diabétologue. La surveillance du carnet glycémique sera drastique, éventuellement avec l’aide d’une diététicienne.
L’hospitalisation n’est pas toujours nécessaire sauf pour équilibrer une insulinothérapie en début de grossesse. L’accouchement devra se faire en maternité disposant de compétence en néonatalogie et en diabétologie.
Que dire du diabète gestationnel ?
On peut être confronté à deux cas différents :
- soit il s’agit d’un diabète découvert précocement pendant la grossesse, souvent sévère, en fait de type II méconnu auparavant dont la surveillance sera celle de ce type de diabète ;
- soit il s’agit vraiment d’un diabète gestationnel dont l’équilibre glycémique pourra être obtenu parfaitement après un régime soit avec une insulinothérapie.
La décision du mode de traitement se fera en concertation entre l’obstétricien et le diabétologue. Elle dépend de la sévérité des taux de glycémie et de la non régression de ceux-ci par le régime.
Les critères peuvent varier d’un centre à un autre. L’objectif est le plus souvent d’avoir à jeun une glycémie à moins de 0,95 et à moins de 1,20 en postprandiale.
Si l’objectif n’est pas atteint après 7 à 10 jours de règles hygiéno diététiques, l’insuline est recommandée.
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