Le 27 février, Sandrine, diagnostiquée en 2008 d'un lymphome de Hodgkin à l'âge de 23 ans, a donné naissance à des jumeaux à la maternité de Gap, après avoir bénéficié d'une greffe autologue de tissu ovarien, a rapporté l'AP-HM dans un communiqué. S'il s'agit de la première naissance permise par les équipes marseillaises, la première mondiale a eu lieu en 2004 en Belgique, après une greffe réalisée en 2003. Depuis plus d'une centaine de naissances ont eu lieu dans le monde.
« Jusqu'en 2016, l’utilisation des tissus ovariens était réservée à la recherche. Elle fait aujourd'hui partie du soin courant », indique au « Quotidien » la Pr Blandine Courbiere, gynécologue-obstétricienne de la plateforme Cancer et fertilité OncoPaca-Corse de l’AP-HM.
En France, la première naissance remonte à 2009 à Besançon. La patiente avait bénéficié d'une greffe de moelle osseuse en raison d'une forme sévère de drépanocytose. Depuis, notre pays compte au total 81 grossesses et 59 enfants nés grâce à cette technique, selon des données présentées lors de la 19e journée scientifique du groupe de recherche en congélation ovarienne et testiculaire (Grecot) qui s'est tenue le 30 mars dernier. Vingt-trois centres en France ont déjà réalisé 210 transplantations pour 185 femmes.
Évolution des pratiques
Les indications sont multiples. « Le prélèvement de tissu ovarien peut être proposé avant un traitement à très haut risque d’altération de la fertilité comme la greffe de cellules souches hématopoïétiques, une chimiothérapie à haute dose d’alkylant ou certains types de chirurgie. Cela se fait beaucoup dans le cadre du cancer, explique la Pr Courbiere. Généralement, c'est un ovaire entier qui est prélevé par cœlioscopie. »
La dernière actualisation de la loi de bioéthique de 2021 a permis une évolution des pratiques. « Auparavant, le tissu ovarien ne pouvait être utilisé qu'en vue d'une assistance médicale à la procréation. Désormais, il peut aussi être utilisé pour restaurer la fonction ovarienne endocrine », précise la Pr Courbiere.
À Marseille, les premières patientes, dont les tissus ont été prélevés il y a dix ans, commencent à être greffées. En 2009, Sandrine a pu se faire prélever un ovaire par l'équipe de la Pr Courbiere en amont d'une chimiothérapie hautement toxique. Dix ans plus tard, elle a bénéficié d'une greffe. Une fécondation in vitro (FIV) a été proposée au couple, mais dans 82,7 % des cas, les grossesses obtenues après greffe de tissu ovarien sont spontanées.
La patiente était incluse dans le protocole Dator, un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national coordonné par l’équipe de Besançon. Deux autres PHRC, Lyon’s protocol et Paris Carolélisa, ont aussi évalué la greffe de tissu ovarien.
Un taux de grossesse similaire à celui de l'autoconservation
« Aujourd'hui, nous savons que le taux de naissances après greffe de tissu ovarien est de 30 à 40 %. C’est à peu près le même taux qu’avec l’autoconservation ovocytaire », souligne la Pr Courbiere.
Pendant longtemps, prélèvement de tissu ovarien et autoconservation ovocytaire étaient restreints à des indications distinctes. « Le tissu ovarien était réservé au cas où le traitement risquait d’être quasi stérilisant et l'autoconservation ovocytaire était utilisée pour des traitements à risque intermédiaire », résume la gynécologue, précisant que l’autoconservation ovocytaire ne peut être réalisée que lorsque le traitement peut être retardé (il faut au moins 12 jours entre la stimulation des ovaires et la ponction). C'est le cas par exemple pour les lymphomes et le cancer du sein. « En revanche, pour une leucémie aiguë, il n’est pas possible de retarder la chimiothérapie, mais le tissu ovarien peut être prélevé même si le traitement a commencé », indique-t-elle.
La Pr Courbiere estime qu'il y aurait « tout intérêt à combiner les techniques », en élargissant les indications de cryoconservation de la greffe de tissu ovarien à des cancers moins toxiques. À noter qu'avant la puberté, le prélèvement de tissu ovarien est la seule technique envisageable.
Un âge limite de 36 ans
Concernant la restauration de la fonction endocrine, l'équipe marseillaise a pu, grâce à l'évolution de la loi, greffer le tissu ovarien d'une patiente, sans projet d'AMP mais afin de lui éviter un traitement hormonal substitutif qu'elle ne supportait pas. « Elle revit depuis la greffe, qui lui permet de sécréter des hormones naturelles et de pallier les carences en œstrogènes dues à une insuffisance ovarienne prématurée », rapporte la gynécologue. La greffe permet de restaurer la fonction endocrine en quatre à cinq mois.
Le prélèvement du tissu ovarien est généralement proposé aux femmes jusqu'à l'âge de 36 ans. « Il y a un consensus sur cet âge limite, car la quasi-totalité des naissances ont été obtenues avec du tissu ovarien congelé avant 36 ans. Après, la réserve ovarienne est généralement trop altérée pour donner de bonnes chances de grossesse », précise la gynécologue.
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