Au-delà de la technique chirurgicale réparatrice bien codifiée, il s’agit d’un progrès sociologique majeur. L’excision est aussi un révélateur de violences, de pathologies du silence trop peu médicalisées. D’ici à la fin de 2012, un institut de santé génésique devrait ouvrir ses portes à Saint-Germain-en-Laye, un lieu d’accueil et de formation pour une prise en charge plus médicale de la violence faite aux femmes.
« Les résultats de la chirurgie reconstructrice après excision clitoridienne sont très satisfaisants. On peut retrouver une vie sexuelle normale, non traumatique, à n’importe quel âge », explique d’emblée Pierre Foldès. La majorité des femmes candidates à cet acte sont d’origine africaine. « Elles ont en général déjà commencé leur vie sexuelle mais ont découvert au travers d’un changement d’implantation sociale, un certain nombre de manques. Leurs revendications sont multiples ; elles tiennent au bien-être, au soulagement des douleurs, au recouvrement de la sexualité et finalement de leur personnalité tout entière. Les femmes souffrent d’une relative méconnaissance, ce qui est la normalité. »
La première phase, préchirurgicale, est articulée autour de la prise de parole et de la prise de conscience : il faut la respecter. « L’attente est souvent très importante face à une pathologie qui atteint la personnalité de la femme, mais elle fait que nous sommes dans de bonnes dispositions comportementales », poursuit le spécialiste. En revanche, les hommes sont encore peu présents : « Je vois quelques couples, mais la participation des hommes n’est pas encore tout à fait évidente », regrette Pierre Foldès.
Un talent et une rencontre
Quant à la technique elle-même, elle est née d’un talent et d’une rencontre : « Je suis urologue de formation et nous, urologues, pratiquons des chirurgies reconstructrices de la verge qui ont inspiré la technique utilisée pour celle du clitoris. C’est avant tout une chirurgie réparatrice et elle procède des mêmes moyens ; enlever le tissu cicatriciel et reconstruire l’organe avec ses nerfs et ses vaisseaux. La difficulté est liée aux faits, d’une part, que l’anatomie clitoridienne était méconnue et, d’autre part, que la mutilation est multiforme selon les cultures. Souvent les organes de voisinage sont abîmés avec atteinte du périnée. L’excision est mutilante, mais l’absence de soins immédiats et les infections secondaires causent de grands délabrements qui font que, souvent, la vulve autant que le clitoris doivent être reconstruits. » Il fallait être aussi un peu French Doctor pour rencontrer cette demande, explique Pierre Foldès depuis longtemps engagé dans des missions humanitaires.
Un accompagnement de deux ans minimum
La phase postopératoire est une phase de réassurance et d’accompagnement et, plus à distance, il y a aussi la reconstruction et un réapprentissage de la sexualité pendant six mois, et cela dépend des femmes. Après l’intervention, l’accompagnement conjoint d’un sexologue et d’un psychologue est systématiquement proposé pour deux ans ; voire plus longtemps si besoin.
« La technique échoue rarement mais il peut y avoir reconstruction clitoridienne sans réappropriation de l’organe, c’est en quelque sorte est un demi-échec, reprend Pierre Foldès. Il faut réévaluer les progrès, accompagner les femmes, mettre en place des soins locaux, des explications et une sexologie simple ».
Les femmes en sont parfois transformées. Cela génère des militantes, très en colère contre leurs parents, qui ne feront jamais exciser leurs filles, et qui se sont fabriquées comme une conscience politique, refusent la victimisation des femmes et encouragent les autres. »
L’institut de santé génésique
L’excision est aussi un prétexte, une forme de révélateur de la violence faite aux femmes. Parler de cette mutilation revient souvent à libérer la parole. « Ma spécialité s’est agrandie vers la violence faite aux femmes. Je me suis aperçu que les femmes excisées étaient très souvent victimes d’autres violences, comme le mariage forcé, le viol conjugal. Cela permet de mesurer à quel point ces violences sont peu ou mal prises en charge dans le monde médical. Moins de 1 % des violences faites aux femmes arrivent à une plainte et moins de 10 % sont traitées médicalement », insiste Pierre Foldès.
Plus surprenant, les femmes traversent un monde médical souvent silencieux. « Nous, médecins, devons poser la question : " Avez-vous subi des violences ou des mutilations " ? C’est très fréquent et la plupart du temps ce n’est pas dépisté », insiste l’urologue.
D’ici à la fin de l’année, l’institut de santé génésique qui devrait ouvrir ses portes à Saint-Germain-en-Laye, sera un centre pilote qui regroupera des psychiatres, des psychologues, des sexologues et des médecins généralistes, pour accueillir les femmes, les réorienter vers des médecins spécialisés mais aussi former d’autres professionnels de santé. « Cela, qui existe au niveau associatif ou juridique, a en partie échappé au monde médical », regrette Pierre Foldès.
La publication du « Lancet » aura eu aussi cette fonction : un détonateur, pour avancer un projet de 15 ans de labeur.
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