L’intitulé même des recommandations du CNGOF sur la « rupture des membranes à terme avant travail (RMTAT) » a été choisi pour éviter la confusion de l’appellation antérieure de « rupture prématurée des membranes à terme » (1). La fréquence de la RMTAT − qui désigne donc des femmes ayant rompu après 37 SA et non en travail − est en fait assez mal connue, de 6 à 22 % selon les études.
L’enquête nationale périnatale française de 2016 (données non publiées) avait montré qu’environ la moitié des femmes se mettaient en travail dans les 12 heures suivant la rupture des membranes. Le groupe d’experts a choisi un délai de 12 heures sans entrée en travail spontané pour différencier une situation physiologique d’une situation potentiellement à risque pouvant justifier une intervention médicale. « Il s’agit en pratique du délai charnière à partir duquel l’instauration d’une antibioprophylaxie est recommandée », souligne le Dr Hanane Bouchghoul (Le Kremlin-Bicêtre), qui a participé à la rédaction de ces recommandations.
Bilan initial
Lors de la prise en charge initiale, il est recommandé de rechercher des signes cliniques d’infection intra-utérine (fièvre, tachycardie fœtale, liquide amniotique purulent) et de limiter le nombre de touchers vaginaux, avant et après le travail. Les données manquent pour faire recommander un bilan biologique, peu contributif. Toutefois, si un tel bilan est envisagé, il doit privilégier le dosage de la CRP, de meilleure valeur prédictive négative que le taux de leucocytes.
Concernant le dépistage du portage du streptocoque du groupe B, recommandé en France depuis 2001 entre 34 et 38 SA, l’attitude varie selon qu’il a déjà été réalisé ou non. « Dans le cas où le dépistage a été réalisé, il n’est pas recommandé de le renouveler quel qu’ait été son résultat, mais une antibioprophylaxie est de mise d’emblée s’il était positif. S’il n’avait pas été fait, il sera réalisé à l’admission », précise le Dr Bouchghoul.
Outre le cas où elle est de mise d’emblée (Strepto +), une antibioprophylaxie est recommandée de toute façon à 12 heures, car elle pourrait réduire le risque d’infection intra-utérine (mais pas d’infection néonatale), en faisant appel en première intention à une bêtalactamine en IV ou IM. Le choix est laissé au prescripteur en cas d’allergie aux bêta-lactamines.
Il n’est pas recommandé de faire systématiquement une échographie à l’admission pour évaluer la quantité de liquide amniotique, à l’inverse d’une analyse du rythme cardiaque fœtal qui, elle, doit être systématiquement réalisée.
Déclencher ou non
Deux options sont envisagées. Une attitude interventionniste, avec déclenchement immédiat dans l’objectif de réduire le risque d’infection intra-utérine. Une attitude attentiste, pour permettre une mise en travail spontanée. « Tout l’enjeu en pratique est de bien positionner le curseur entre le physiologique et le pathologique, indique le Dr Bouchghoul. Ces recommandations sont fondées essentiellement sur l’étude Term Prom, qui est finalement le seul essai robuste disponible mais qui date de plus de 20 ans avec des pratiques qui sont différentes de celles d’aujourd’hui. Les données dont on dispose ne montrent pas de surrisque d’infection néonatale en cas d’expectative ni de surrisque de césarienne en cas de déclenchement. Elles laissent ainsi un large champ de décision aux équipes. Le moment du déclenchement doit dépendre de l’organisation des soins et de la préférence des femmes, après information des bénéfices et des risques des deux stratégies, sous réserve bien sûr du respect des paramètres de surveillance et d’une antibioprophylaxie ».
Exergue : En pratique, tout l’enjeu est de bien positionner le curseur entre le physiologique et le pathologique
Entretien avec le Dr Hanane Bouchghoul, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre (1) Senat MV et al. Rupture des membranes à terme avant travail. Recommandations pour la pratique clinique du CNGOF-Texte court. https://doi.org/10.1016/j.gofs.2019.10.017
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