Depuis le 31 janvier 2015, l’Établissement français du sang (EFS) ne peut plus produire de plasma frais congelé déleucocyté viro-atténué par solvant-détergent (SD). L’usine de Bordeaux, qui représentait une cinquantaine d’emplois, a fermé.
C’est la conséquence de la décision du Conseil d’État du 23 juillet 2014, qui, saisi par la société Octapharma France, reconnaît au plasma SD le statut de médicament dérivé du sang (MDS) et non plus celui de produit sanguin labile (PSL). La raison : à la différence des deux autres types de plasma thérapeutique (plasma IA et SE), sa production fait appel à un processus industriel, ce qui selon les directives européennes de 2001 et 2004, le sort exceptionnellement du rang des PSL. L’EFS, qui n’est pas un établissement pharmaceutique, ne peut donc plus produire ce médicament. Mais il peut continuer à produire du Plasma IA et SE, qui restent des PSL.
Concrètement, cette décision met fin au monopole de l’EFS sur la production du plasma. La société Octapharma France devrait en effet proposer sur un marché désormais concurrentiel « Octaplas », son plasma SD. Les établissements de santé lanceront donc des appels d’offres et auront le choix entre le plasma SD d’Octapharma (ou d’éventuelles autres sociétés), et les plasma SE et IA de l’EFS. En terme de qualité et de sécurité, l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) assure qu’il « n’y a pas à ce jour d’argument scientifique conduisant à recommander un plasma par rapport à un autre ».
L’EFS continue d’avoir le monopole de la collecte du sang, du plasma et des plaquettes, et celui de la délivrance des différents types de plasma thérapeutique. Un décret du 3 février 2015 instaure en effet un circuit dérogatoire qui assimile le plasma SD à un PSL pour sa conservation et sa délivrance, qui restent aux mains des établissements de transfusion sanguine et non des pharmacies à usage intérieur (PUI).
Défense du modèle éthique Français
Cette décision a provoqué des inquiétudes, en particulier d’ordre éthique. Octapharma assure que tous ses MDS commercialisés en France sont « issus de plasma collecté auprès de donneurs volontaires, bénévoles et non rémunérés (ni aucune compensation financière) au sein de centres de collectes de la Croix-Rouge (EU et USA), mais pas en France ». Mais la crainte est grande de voir s’effriter le modèle français du don de sang, qui repose sur les principes de bénévolat, d’anonymat, de volontariat et de non-profit, gages de sécurité et de qualité. La France se distingue notamment par des procédures sécuritaires très normées, avec des critères de sélection des donneurs extrêmement stricts, des tests génomiques et une déleucocytation plus poussés qu’ailleurs. « Pour le don de plasma par aphérèse, le principe de la gratuité n’est pas dominant à l’international. L’indemnisation forfaitaire des donneurs est largement pratiquée aux États-Unis, mais existe également dans d’autres pays, comme en Allemagne et en Autriche », écrit le député médecin Olivier Véran dans son rapport sur la filière sang de 2013.
« Avec cette décision de justice, les digues ont cédé, le marché s’est mondialisé. Je comprends l’inquiétude qui se fait jour », estime-t-il aujourd’hui. « Il faut que l’EFS garde absolument le monopole de la collecte du sang et que l’on mette le paquet sur la sécurité et l’autosuffisance, qui est assurée grâce à la mobilisation d’1,7 million de donneurs », insiste le député. Chaque jour, 10 000 dons sont collectés par l’EFS.
Le président de la Fédération française pour le don de sang bénévole (FFDSB) Roger Praile demande « à chacun de défendre avec grande force notre éthique française. C’est un choix de société depuis l’origine de la transfusion sanguine en 1949 en France, mais c’est également la certitude d’avoir la meilleure sécurité ». François Toujas, président de l’EFS, assure que « le modèle transfusionnel français doit être préservé ».
Craintes sur l’emploi
D’autres craintes sont d’ordre économique. Quatre syndicats de l’EFS (CFDT, FO, CGT, CFE-CGC) ont manifesté le 27 janvier dernier devant le ministère de la santé. Une délégation a été reçue par Françoise Weber, directrice générale adjointe de la santé. Ils redoutent que Octapharma ou d’autres opérateurs, par une politique de prix cassés, l’emporte systématiquement sur l’EFS dans la vente du plasma aux établissements de santé. Ils s’alarment en outre d’un éventuel transfert de la collecte de plasma au laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB), une hypothèse qui circulerait au sein des tutelles, mais qui n’a été en rien confirmée. Entre 500 et 1 200 emplois pourraient être menacés, sur un total de 9 800 aujourd’hui.
En attente de la remise à Marisol Touraine du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), aucune décision n’a été prise. Octapharma a déposé une demande d’ATU auprès de l’ANSM, en cours d’instruction. L’EFS a demandé à acquérir le statut d’établissement pharmaceutique.
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