Je me permets de vous faire part des réflexions que m’inspire la proposition faite par Madame Katia Julienne, Directrice Générale de l’Offre de Soins d’un redémarrage extrêmement prudent et modéré des activités hors Covid. ( le Quotidien du Médecin 24/04 ). En proposant cela, on est en droit de penser que cette dame n'a manifestement pas pris la mesure de l'impact de la crise sanitaire actuelle sur les pathologies hors Covid. Elle n'est d'ailleurs pas la seule car si l'on peut voir chaque jour de nombreux reportages sur les conséquences économiques de cette crise, rares sont ceux qui traitent de la gestion actuelle des autres pathologies par un système de santé en « organisation Covid » et de ses conséquences.
Assez nombreux pourtant sont ceux qui pensent – mais a priori ils ne sont pas beaucoup entendus — que cette période de confinement durant laquelle tant de patients auront été mis en file d'attente alors qu'ils auraient dû entrer en file active ne sera pas sans conséquences sur le fonctionnement des structures de soins dans les mois à venir et peut-être aussi sur le destin individuel des patients qui seront pris en charge à des stades plus graves.
Mais proposer de redémarrer de façon extrêmement prudente et modérée, c'est aussi oublier que dans le monde de la santé tous les acteurs ne sont pas en situation d'égalité devant la crise. On peut en effet considérer qu'il y a deux catégories d'acteurs du monde de la santé en France.
Ceux qui ont un statut de fonctionnaire ou apparenté et dont les revenus sont directement liés à ce statut. Bien évidemment, pour les établissements où ils exercent, les conséquences économiques de cette crise seront lourdes mais pour eux la fiche de paye de la fin du mois d'avril ne sera sans doute pas très différente de celle de janvier ou février et ils sont même en droit d'espérer, notamment s'ils sont dans le système hospitalier public, bénéficier de gratifications dans les mois à venir de la part de leur employeur au titre des remerciements pour les services rendus.
On ne peut que souhaiter qu'il en soit ainsi tant le problème des niveaux de salaires des acteurs de santé en France est crucial. Bien évidemment leur situation, qui est d’ailleurs celle de Madame Julienne, les autorise tout à fait à se montrer vertueux en faisant passer le sanitaire avant l'économique.
N'oublions pas les libéraux
Mais il ne faut pas oublier l'autre importante catégorie des acteurs de santé que sont les libéraux dont les revenus dépendent exclusivement de leur capacité de travail. Or très nombreux sont ceux qui pendant près de deux mois auront eu une activité très réduite voire nulle avec les conséquences économiques attendues car si les entrées sont automatiquement plus ou moins réduites, voire nulles, les frais de fonctionnement, charges, loyers, assurances, salaires des collaborateurs continuent de courir.
Bien évidemment on ne peut que comprendre que leur objectif prioritaire soit de pouvoir redémarrer les activités dans les meilleurs délais et que la montée en charge soit la plus rapide possible dans le respect des procédures de protection qui de toute façon vont s’imposer bien au-delà de cette période de confinement. Et l'on peut d'ailleurs constater que progressivement les activités reprennent sans attendre les décisions et consignes des autorités de l'État.
Notre système de soins était très inégalitaire et il risque de le devenir encore plus. Chacun peut faire le test : téléphonez dans différents services de radiologie pour demander la réalisation d'une mammographie de dépistage et vous pourrez constater que, selon les structures, un rendez-vous pourra vous être proposé dans des délais rapides alors que dans d'autres, on vous répondra, quasiment indigné, qu'il est tout à fait déplacé de faire une telle demande dans la situation actuelle et qu'il faudra rappeler plus tard mais on ne sait pas quand !
Contrairement à ce que pense et affirme Madame Julienne, il faut pour toutes ces raisons remettre en route le système le plus rapidement et le plus efficacement possible et sortir de la situation de « pause Covid » pour entrer dans la phase de « revivre avec le Covid ».
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