Un dépistage non systématique alors qu'il devrait l'être, des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) encore non proposés, une politique de réduction des risques globalement inexistante… Si l'arrivée des nouveaux traitements oraux aurait dû offrir un coup d'accélérateur à la lutte contre l'hépatite C en établissement pénitentiaire, cela n'est pas encore le cas, selon un récent rapport du conseil national du sida et des hépatites virales (CNS).
Le but du rapport était de faire l'état des lieux de la prise en charge par les antiviraux à action directe (AAD) des patients infectés par le VHC en milieu pénitentiaire au regard de leur parcours de santé. Le principal problème identifié par les auteurs se situe au niveau de la politique de prévention des risques infectieux et du dépistage. Selon les observations de terrain, bien que les dépistages conjoints du VIH, du VHB et du VHC soient généralement proposés lors de l’entrée en détention et relativement bien acceptés par les personnes détenues, « leur réalisation s’avère trop souvent aléatoire, pour des raisons essentiellement organisationnelles », pointe le rapport.
Selon le Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice, le dépistage du VHC devrait normalement être systématiquement proposé à l’entrée en détention, puis périodiquement au cours de l’incarcération, et en cas d’exposition connue et avérée. Pour l'instant, ces préconisations ne sont qu'imparfaitement appliquées.
Une enquête de pratiques sur la prise en charge de l’hépatite C en milieu carcéral a été conduite en 2015 et en 2017 auprès des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP). Si le dépistage était proposé dans 98 % des cas en 2015 et 94 % en 2017, le taux de réalisation effective était de respectivement 70 % et 72 %, et la remise du résultat avait lieu dans un peu plus de la moitié des cas.
Une prise en charge « globalement satisfaisante »
Une fois dépistées, plus de huit personnes détenues éligibles au traitement sur dix y accèdent effectivement au cours de leur détention. Un ensemble d’observations qualitatives portant sur les modalités d’organisation de chacune des étapes du parcours de soins a ainsi montré une montée de l’accès au traitement par antiviraux à action direct (AAD).
Depuis mai 2019, les non spécialistes ont désormais la possibilité de prescrire deux de ces médicaments. « Les USMP se sont inégalement emparées des opportunités de simplifier le parcours de soins et d’optimiser les délais aux différentes étapes, mais l’accès au traitement paraît globalement assuré », affirment les rapporteurs. Selon une enquête menée ans les établissements pénitentiaires des régions Grand Est, Île-de-France et Sud (2016-2018), il y a eu 173 mises sous AAD en 2018 contre 136 en 2016.
La loi de 2016, toujours pas appliquée
La loi dite de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 fournissait les outils législatifs pour la mise en œuvre des actions de réduction des risques et des dommages (RdRD) en milieu pénitentiaire, et notamment en ce qui concerne la prévention du risque infectieux liés à l'usage de drogues injectables. Quatre ans plus tard, cette loi n'est toujours pas appliquée, faute de parution des décrets prévus.
« L’absence des outils efficaces de RdRD dans les établissements pénitentiaires français est incohérente et anachronique », tempête le CNS, qui constate en outre que la réduction des risques et des dommages « continue de susciter un intérêt inégal et parfois des clivages parmi les personnels sanitaires. Les personnels pénitentiaires sont trop peu informés et parfois désinformés concernant la démarche de RdRD, favorisant des attitudes de rejet. »
Un manque criant de données épidémiologiques
Si l'on sait que l'état de santé globale des personnes vivant en prison est globalement moins bon que celui de la population générale, les données épidémiologiques qui le prouvent commencent à dater. Ainsi, la dernière enquête nationale sur l’état de santé des entrants en prison a été conduite en 2003 par la Direction de la Recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).
Concernant la santé mentale, l’étude de référence demeure l’enquête de prévalence sur les troubles psychiatriques en milieu carcéral réalisée en 2003-2004 à la demande des ministères en charge de la Santé et de la Justice.
En ce qui concerne plus spécifiquement les risques infectieux, les données sont aussi d'un autre temps : en 2003, un tiers des entrants en prison déclaraient une utilisation active et prolongée d’au moins une drogue illicite dans les 12 mois précédant leur incarcération et plus de 10 % étaient poly-consommateurs. La consommation d’héroïne, de morphine ou d'opium concernait 6,5 % des entrants, celle de cocaïne ou de crack 7,7 %.
La connaissance de l’épidémiologie du VHC en France est à l'avenant, puisque la seule estimation robuste de la séroprévalence et de la prévalence demeure celle produite dans le cadre de l’étude PREVACAR, portant sur l’année 2010. La séroprévalence du VHC était alors estimée à 4,8 % et la prévalence des infections actives à 2,5 % chez les personnes détenues, soit cinq à six fois plus qu'en population générale. Depuis 2010, aucune enquête nationale n'a été menée, néanmoins, une étude robuste, conduite au centre pénitentiaire de Fresnes en 2017, a montré une séropositivité au VHC chez 2,9 % des personnes détenues.
« Cet ensemble disparate et lacunaire de données n’autorise que des conclusions de portée générale : une tendance à la baisse de la prévalence du VHC est observée aussi bien en population générale que dans la population détenue et la prévalence du VHC demeure beaucoup plus élevée dans la population détenue qu’en population générale », conclut la commission du CNS.
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