Après une année 2020 marquée par le Covid, le nombre d'initiation de prophylaxie pré-exposition au VIH (Prep) a connu un rebond spectaculaire en 2021 et 2022, montrent les données d'EPI-Phare*. Des résultats qui ne doivent pas masquer le manque de diversité du public bénéficiant de ce moyen de prévention, encore presque exclusivement composé d'hommes ayant des relations avec des hommes (HSH).
Les chercheurs d'EPI-Phare se sont appuyés sur les données du système national des données de santé. Selon ces dernières, fin juin 2022, 64 821 personnes de 15 ans et plus avaient initié une Prep par Truvada ou un de ses génériques en France, soit 39 % de plus qu'un an auparavant. Après un infléchissement dans la dynamique de diffusion de la Prep survenu en 2020 en lien avec l’épidémie de Covid, la reprise des initiations esquissée au premier semestre 2021 s’est confirmée au second semestre 2021 et au premier semestre 2022.
Les généralistes de ville boostent la prescription
Depuis le 1er juin 2021, l'initiation de la Prep, avec prise orale continue ou intermittente, a été élargie à tous les prescripteurs. Les initiations de Prep en ville, en particulier par des médecins généralistes, ont ainsi très nettement augmenté au cours de la dernière année : 3 800 primoprescriptions, soit 41 % de l’ensemble des initiations de Prep, ont été effectuées par des prescripteurs libéraux, dont 88 % par des médecins généralistes. En comparaison, ce chiffre s’élevait à 1 389 (19 % des initiations) au premier semestre 2021.
« Le compte n'y est pas », réagit pourtant le Pr Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenon (AP-HP) qui fustige le manque de diversité du public touché. « Les femmes représentent 32 % des nouvelles infections en 2021, et seulement 2,5 % des nouvelles initiations de Prep, et 1 % des "Prepeurs" d'Île-de-France, explique-t-il. On a bien réussi à toucher le public HSH urbain et éduqué, mais on a un angle mort chez les femmes, chez les trans, chez les personnes en situation de rapports sexuels contraints ou en grande précarité… », regrette-t-il.
De même, les HSH migrants, pourtant très exposés, ne représentent que 0,3 % des utilisateurs de la Prep selon EPI-Phare. Tandis que les données de l'étude Eras menée par Annie Velter (Santé publique France) montrent que le taux d'usagers de la Prep est passé de 7 % en 2017 à 28 % en 2021 chez les autres HSH.
« Les Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd), les centres de planning familial et les centres de dépistage d'IST doivent avoir le réflexe de proposer la Prep, insiste le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-MIE. Il faut travailler sur l'acceptabilité de la Prep pour toucher de nouveaux publics. »
Selon les résultats récents de l'étude rétrospective Omaprep menée à partir d'une cohorte de 185 patients nouvellement infectés par le VIH, 91 % d'entre eux étaient éligibles à la Prep, mais seulement 26 % ont reçu une information dessus, et elle n'a été effectivement proposée qu'à 5 % d'entre eux. « C'est un échec collectif !, reproche le Pr Pialoux. Il y a un déficit total d'information. »
Des propos que confirment les résultats de l'enquète menée par Harris Interactive pour le compte du Centre régional d'information, de prévention du sida et pour la santé des jeunes (Crips) d'Île-de-France : 63 % des 1 009 Français de plus de 15 ans interrogés pensent que le préservatif est le seul mode de protection existant contre l'infection par le VIH.
La question du cabotégravir
Dans les pays africains où les études de Prep basée sur un traitement oral (Truvada) avaient toujours été négatives, le cabotégravir injectable à longue durée d'action s'est révélé être une solution viable, grâce à deux essais : HPTN 083 sur les femmes cis et HPTN084 sur les HSH et les femmes trans. Des résultats qui soulèvent aussi de nouveaux espoirs quant à l'acceptabilité de la Prep en Europe et aux États-Unis. « Ces données sont suffisantes pour y autoriser le cabotégravir », estime le Pr Pialoux.
La question du coût reste cependant prégnante. En France, en attendant un accord sur le prix, une dose de Vocabria (nom commercial du cabotégravir) est de 900 euros.
*Groupement d'intérêt scientifique né de la rencontre entre la Caise d'Assurance-maladie (Cnam) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
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