Les chercheurs des instituts Pasteur de Paris et du Laos ont identifié, dans des chauves-souris rhinolophes vivant dans les cavernes des régions karstiques du Laos, les plus proches cousins à ce jour du Sars-CoV-2. Ce faisant, ils renforcent la piste d'une origine naturelle du virus et proposent même une nouvelle hypothèse pour le scénario d'émergence du virus.
Dans cette étude publiée dans « Nature », les chercheurs ont multiplié les prélèvements chez 645 chauves-souris appartenant à 46 espèces différentes. Ils ont identifié trois virus, Banal-52, Banal-103 et Banal-236, qui présentent des similitudes génomiques avec le Sars-CoV-2, notamment au niveau de domaine de liaison (RBD) avec le récepteur humain ACE2 de la protéine Spike. Sur les 17 acides aminés qui codent pour le RBD, ces trois virus ont respectivement 16, 16 et 15 acides aminés identiques avec le Sars-CoV-2.
Contagieux mais pas virulent
Les chercheurs ont ensuite testé l'affinité moléculaire de ces trois virus avec le récepteur humain ACE2. Il en ressort que le virus Banal-236 était capable de se multiplier dans les cellules humaines. Par ailleurs, sa réplication est efficacement prévenue par la présence de d'anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2.
Ces virus ne sont pas pour autant virulents : « Les protéines Spike de ces virus sont dépourvues du site de clivage de la furine qui détermine leur pouvoir pathogène », précise Marc Eloit, responsable du laboratoire Découverte de pathogènes à l'Institut Pasteur et qui a dirigé l'étude. Le variant le plus pathogène pour l'homme à ce jour, le Delta, présente une mutation qui améliore l'affinité du site de clivage pour la furine. Cette dernière est une protéase capable de cliver la protéine de spicule et d’assurer ainsi la fusion entre la membrane du virus et celle de la cellule humaine, en particulier celle des cellules épithéliales respiratoires.
« Cela nous laisse face à trois hypothèses, poursuit Marc Eloit. Soit nous n'avons pas assez cherché, et il existe chez des chauves-souris des virus dotés d'un site de clivage de la furine, soit ce site a été naturellement acquis lors d'un passage chez l'homme ou par une autre espèce, comme cela est régulièrement le cas avec la grippe aviaire, soit il a été acquis involontairement lors d'une culture cellulaire. »
Un éclairage sur l'origine du Sars-CoV-2
S'il n'exclut pas la possibilité d'une modification non prévue lors d'une manipulation dans un laboratoire, Marc Eloit juge toutefois peu probable qu'il s'agisse d'une modification volontaire. « Scientifiquement, il est possible que des chercheurs ont modifié le RBD d'un coronavirus, mais cela aurait induit une signature moléculaire que l'on aurait retrouvée dans la souche de Wuhan, indique-t-il. Il est possible de faire disparaître une telle trace, mais alors on peut se demander pourquoi une équipe de scientifiques capables d'un travail aussi minutieux aurait intégré un site de clivage comme celui du variant de Wuhan, certes fonctionnel, mais pas du tout optimisé. »
Quoi qu'il en soit, les nouvelles données des pasteuriens confirment le potentiel d'émergence naturelle, non liée à une manipulation en laboratoire qui aurait mal tourné. Des coronavirus proches du Sars-CoV-2 ont déjà été retrouvés dans de nombreuses espèces de chauve-souris. Jusqu'à présent, la souche RaTG13, retrouvée dans des chauves-souris chinoises présentait la plus grande similarité moléculaire avec le Sars-CoV-2, avec 96,1 % du génome identique. Banal-52 bat ce record avec 96,6 % de génome identique.
« Ce résultat récuse l'idée que le Sars-CoV-2 ne peut être aussi bien adapté à l'homme que né d'une manipulation dans un laboratoire, poursuit Marc Eloit. Il existe naturellement, dans des réservoirs animaux, des virus auxquels il ne manque que quelques mutations pour avoir le potentiel d'infecter des humains. » Compte tenu des faibles différences, une simple mutation adaptative, sans recombinaison, pourrait expliquer l'apparition de la pathogénicité.
Pourquoi Wuhan et pas Fueng ?
Reste une question importante : pourquoi le virus n'a pas émergé en premier lieu dans les régions rurales du Laos ? On retrouve en effet des régions karstiques peuplées de chauves-souris au Laos, au Vietnam et en Chine, mais les trois virus identifiés dans l'article paru dans « Nature » ont tous été isolés chez des animaux du district de Fueng, dans la province laotienne de Vientiane, à plusieurs milliers de kilomètres de Wuhan.
C'est là que commencent les conjectures : « Une hypothèse pourrait être que le virus a circulé dans la population en contact avec les chauves-souris, sans provoquer de pathologie en raison de l'absence de site de clivage par la furine, mais en immunisant les habitants, avance Marc Eloit. Avec le développement du tourisme - une ligne de chemin de fer relie depuis récemment la région aux mégalopoles chinoises - il est possible que le virus se soit déplacé jusqu’à entrer en contact avec une population non immunisée. C'est là que la modification aurait pu intervenir et la maladie émerger. Il n'est même pas exclu que ce soit des chercheurs chinois venus faire des prélèvements qui aient été contaminés. »
Cette hypothèse correspondrait au scénario qui s'est déroulé avec le virus Zika endémique et peu pathogène en Afrique d'où il est originaire, mais qui a provoqué des encéphalites au contact des populations non immunisées d'Amérique du Sud.
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