Un patient brésilien de 34 ans pourrait être le premier cas de rémission durable d'une infection par le VIH sans avoir recours à la myéloablation et la greffe de cellules souches hématopoïétiques. C'est ce qui a été présenté en session plénière de la 23e Conférence internationale sur le sida, qui se tient cette année en ligne du 6 au 10 juillet, en raison du Covid-19.
La présentation a été faite par le Pr Ricardo Diaz, de l'université de Sao-Paulo. Le patient en question faisait partie d'une étude pilote visant à évaluer l'association d'un traitement antirétroviral renforcé et du nicotinamide en prise orale, deux fois par jour pendant 48 semaines. Le traitement antirétroviral classique était renforcé par du maraviroc et du dolutégravir. Le nicotinamide, qui fait partie du groupe des vitamines B (vitamine B3 ou vitamine PP), a été choisi car il inhibe l'apoptose lymphocytaire liée à l'épuisement immunitaire et implique plusieurs modes d'action contre la mise en place d'une infection latente.
Parmi les cinq patients de l'étude, l'un d'entre eux, diagnostiqué en 2012, a une charge virale toujours indétectable 57 semaines après la fin du traitement. « Nous ne détectons ni ADN viral, ni anticorps dirigé contre le virus », précise le Pr Diaz, qui précise que ces résultats « sont excitants mais encore préliminaires ».
Des résultats à prendre avec prudence
Jusqu'à présent, on ne dénombre que deux cas de rémission durable de patients infectés par le VIH : le « patient de Berlin » et, plus récemment, le « patient de Londres ». Les patients avaient tous les deux bénéficié d'un traitement agressif : une greffe de cellules souches hématopoïétiques provenant d'un donneur muté pour le récepteur CCR5, après une chimiothérapie myéloablative.
Les données présentées par le Pr Diaz suscitent des réactions prudentes. Sharon Lewin, directrice du Doherty Institute for Infection and Immunity à Melbourne invitée à commenter ces résultats, évoque des conclusions « très intéressantes », même si elle remarque des limites : « ces données qui interpellent doivent faire l'objet d'une analyse plus approfondie ».
Pour le Pr François Dabis, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), « il s'agit d'observations cliniques préliminaires avec lesquelles il faut être très prudent, explique-t-il. Tout ce qui est présenté à une conférence en première lecture doit être considéré comme provisoire en attendant une publication dans une revue à comité de lecture ».
En rémission malgré la présence de virus
Au cours de la même conférence sur le sida, le Dr Véronique Avettand-Fenoel, de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) a présenté les dernières données de patients dont l'infection est contrôlée sans traitement. Les chercheurs ont évalué la capacité de réplication du virus chez 9 contrôleurs post-traitement (issus de la cohorte ANRS iVISCONTI) et chez 13 patients contrôleurs naturels de l'infection jamais traités (issus de la cohorte ANRS CODEX). Ces deux groupes ont en outre été comparés à deux autres encore sous traitement : six personnes traitées depuis la primo-infection, et six depuis le stade chronique.
Les scientifiques ont plus particulièrement regardé les séquences codant pour la transcriptase inverse, dont la fonctionnalité constitue un marqueur de la capacité du virus à se répliquer. Cette capacité de réplication, en proportion comme en quantité, était équivalente dans l'ensemble des groupes.
« Chez ces patients, le virus est toujours présent mais est parfaitement contrôlé, le système immunitaire joue pleinement son rôle, commente le Pr Dabis. Cela signifie donc qu'il existe une forme de rémission prolongée malgré la présence de virus. »
Les réponses immunitaires des patients iVISCONTI sont en cours d'étude. « Ils ont une faible réponse immunitaire CD8 spécifique et donc des mécanismes de contrôle de l'infection différents de ceux observés chez les contrôleurs naturels », explique le Dr Avettand-Fenoel.
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