DE NOTRE CORRESPONDANTE
« APRÈS QUELQUES semaines de neuroréhabilitation avec un harnais robotique et une stimulation électrochimique, nos rats commencent non seulement à marcher de façon volontaire, mais aussi à courir, monter des marches et éviter des obstacles », explique Grégoire Courtine qui dirige ces recherches à l’Université de Zurich et à l’Institut Fédéral Suisse de Technologie de Zurich.
« C’est la coupe du monde de la neuroréhabilitation. Nos rats sont devenus athlètes alors que quelques semaines plus tôt ils étaient complètement paralysés. Je parle ici d’une récupération à 100 % du mouvement volontaire. »
Cette étude, publiée dans « Science », représente une avancée sur un précédent travail de l’équipe rapporté en 2009 dans « Nature Neuroscience ». Celui-ci décrivait comment des rats à la moelle épinière sectionnée pouvaient recouvrer la locomotion automatique grâce à une stimulation électrochimique des circuits spinaux et un entraînement sur tapis roulant à l’aide d’un harnais.
La nouvelle étude a été conduite sur des rats devenus paraplégiques à la suite d’une lésion provoquée de la moelle épinière (hémisection latérale gauche a n iveau de D7 et hémisection latérale droite de D10) qui reproduit les caractéristiques des lésions complètes de la moelle épinière des patients.
Afin de réactiver les circuits lombosacrés endormis après la lésion médullaire, les chercheurs ont utilisé deux astuces, l’une pour procurer les neurotransmetteurs qui ne sont plus libérés localement, l’autre pour simuler l’apport glutamatergique tonique provenant du tronc cérébral. En pratique, ils administrent par voie systémique un cocktail d’agonistes des récepteurs sérotoninergique et dopaminergique, et appliquent une stimulation électrique épidurale par des électrodes implantées en regard de L2 et S1.
Grâce à cette stimulation pharmacologique et électrique continue, les rats paralysés récupèrent une marche automatique (involontaire) sur tapis roulant qui s’améliore avec l’entraînement. En effet, le simple mouvement du tapis roulant crée un feed-back sensoriel qui déclenche une marche automatique, sous le seul contrôle de la moelle, sans connexion avec le cerveau. Cet entraînement améliore la fonctionnalité des circuits lombosacrés (plasticité sous-lésionnelle), sans modifier les voies descendantes thoraciques.
De la marche automatique à la marche volontaire.
Mais comment faciliter la récupération d’une locomotion volontaire contrôlée par le cerveau ? Pour cela, les chercheurs ont remplacé le tapis roulant par un harnais robotique qui procure aux rats un soutien vertical et latéral du tronc uniquement lorsqu’ils perdent l’équilibre. Ils ont exploité ce harnais pour permettre aux rats, d’utiliser activement leurs pattes paralysées afin d’avancer vers une récompense de chocolat en bout de plate-forme et même de les pousser à le faire.
Après deux à trois semaines de ces deux formes d’entraînement, les premiers pas volontaires émergent, et après six semaines d’entraînement les rats sont capables de marcher sur de longues distances en supportant leur propre poids (sous couvert d’une stimulation électrochimique). Après deux à trois semaines d’entraînement supplémentaire avec introduction d’escaliers et d’obstacles, les rats sont capables de courir en montant des marches et d’éviter des obstacles.
« Ce que l’on considère comme un entraînement basé sur la volonté a donné lieu à un quadruplement des projections corticales à travers le tronc cérébral et la moelle épinière, une repousse qui prouve le potentiel énorme de la neuroplasticité, même après une lésion sévère du système nerveux central », souligne Janine Heutschi, cosignataire de l’étude.
Répétition de lal phase de croissance du nourrisson.
Grégoire Courtine qualifie cette repousse de « nouvelle ontogénie », une forme de répétition de la phase de croissance d’un nourrisson.
Les chercheurs ont découvert que la réorganisation des voies neurales rétablit une connectivité à travers la lésion médullaire et permet aux signaux du cerveau d’atteindre la moelle épinière réactivée électrochimiquement.
En principe, ce programme de réhabilitation pourrait améliorer la fonction après des lésions médullaires similaires chez les patients. Le Pr Courtine espère débuter des essais cliniques de phase II d’ici un a deux ans a Zurich. En attendant, Courtine et ses collegues de l’Ecole polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) coordonnent un projet européen de 9 millions d’euros appelé NeuWalk, qui vise notamment à développer une prothèse médullaire électrochimique pouvant être implantée chez les patients.
Rubia van den Brand et coll. Science 1 juin 2012.
Consultez la vidéo du rat en train de marcher sur http://goo.gl/dAhgs
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