Gliomes de bas grade

Assurer une vie normale le plus longtemps possible

Publié le 06/06/2013
Article réservé aux abonnés
1370482969436666_IMG_105993_HR.jpeg

1370482969436666_IMG_105993_HR.jpeg
Crédit photo : DR

PATHOLOGIES RARES de l’adulte jeune (30-40 ans), les gliomes de bas grade (grade 2 de l’OMS) sont le plus souvent révélés par une crise d’épilepsie chez un adulte en bonne santé. Bien que la tumeur, un astrocytome, oligoastrocytome ou oligodendrogliome envahisse très souvent les structures fonctionnelles cortico-sous-corticales, sa lente évolution laisse la plasticité cérébrale se mettre en place, d’où l’absence fréquente de déficit neurologique au diagnostic.

Dans les années quatre-vingt-dix, ces tumeurs étaient considérées comme bénignes et peu évolutives : 2 scanners à 6 mois d’intervalle ne pouvaient repérer leur expansion. Les progrès d’imagerie IRM ont depuis révélé la lente et inexorable croissance des gliomes de bas grade -4 mm par an en moyenne- et leur évolution inéluctable vers la transformation anaplasique, 5 à 7 ans après le diagnostic. La médiane de survie de ces maladies actuellement incurables est de 10 à 15 ans.

Établir un diagnostic.

L’IRM est le plus souvent évocatrice devant un processus expansif en hyposignal T1, hypersignal T2 et flair, le plus souvent sans prise de contraste. Mais certains gliomes de haut grade conservent au début l’aspect d’un gliome de bas grade. D’où l’utilité de l’IRM multimodale (perfusion, spectro-IRM) pour vérifier l’absence de signe de néoangiogenèse (à l’IRM de perfusion) ou de prolifération tumorale importante (élévation marquée du rapport Choline/créatine en spectro-IRM) qui feraient suspecter un gliome de haut grade malgré l’absence de prise de contraste. Néanmoins seule l’histologie (biopsie ou chirurgie) permet le diagnostic de certitude d’un gliome de bas grade et la recherche d’altérations moléculaires susceptibles de guider le traitement.

Le choix thérapeutique, au cas par cas.

La première question à se poser est celle de l’indication de la chirurgie. De forts arguments laissent penser qu’une exérèse large (supérieure à 90 % du volume tumoral) retarde la transformation anaplasique et augmente la survie des patients. Cette chirurgie nécessite des équipes spécialisées et expérimentées, et une discussion du cas en réunion de concertation pluridisciplinaire. Elle n’est jamais une urgence. On attend 3 à 4 mois pour vérifier par une nouvelle IRM préopératoire l’absence d’évolutivité surtout s’il s’agit d’une chirurgie en zone fonctionnelle nécessitant au décours une rééducation optimale. La possibilité d’une exérèse large dépend de la localisation tumorale et de sa plasticité (les zones motrices primaires ne le sont pas), de son extension, de l’importance de l’infiltration…, mais aussi, ces tumeurs rares infiltrantes étant sans plan clivage, de l’expertise de l’équipe neurochirurgicale. Chirurgiens, anesthésistes, orthophonistes et neuropsychologues doivent être entraînés à réveiller les patients en cours d’intervention si l’exérèse a lieu en zone fonctionnelle pour qu’elle soit la plus complète possible tout en évitant un déficit permanent postopératoire. Une IRM postopératoire à 3 mois évalue le résidu. Une réintervention peut se discuter quelques années plus tard quand la tumeur regrossira. Si une exérèse large a pu avoir lieu, chimiothérapie ou radiothérapie postopératoires n’ont pas fait la preuve de leur intérêt.

Chez un patient non opérable, sans déficit neurologique, ni épilepsie mal contrôlée, une surveillance IRM peut suffire pendant plusieurs années sans faire perdre de chance. Si le patient la supporte mal psychologiquement, un traitement peut être proposé.

La radiothérapie ou la chimiothérapie sont les 2 options actuellement disponibles lorsqu’un patient non opérable présente un déficit neurologique, une tumeur trop volumineuse ou une épilepsie non contrôlée. L’analyse des caractéristiques génétiques sur la biopsie fournit des éléments pronostiques et guide le traitement : la perte tumorale du bras court du chromosome 1 et du bras long du chromosome 19 (codélétion 1p/19 q) est facteur de bon pronostic et de chimiosensibilité.

Si la tumeur est chimiosensible, une chimiothérapie par temozolomide per os, 5 jours consécutifs par mois pendant 1 à 2 ans, est le plus souvent prescrite. Compatible avec une vie quasi normale chez le jeune, souvent bien tolérée, n’entraînant pas d’alopécie, elle permet une régression lente, parfois supérieure à 50 % du volume tumoral et un meilleur contrôle de l’épilepsie.

Radiothérapie dans les gliomes de petite taile.

Les progrès de la radiothérapie s’assortissent d’une meilleure tolérance au traitement. Certains patients développent toutefois des troubles cognitifs post-radiothérapie, surtout si la tumeur est volumineuse. D’où la tendance à la réserver en première intention aux gliomes de petite taille, non chimiosensibles et à proposer une chimiothérapie en cas gliome volumineux, permettant de repousser à plus tard la radiothérapie et son risque de neurotoxicité. Cette attitude ne repose pas à l’heure actuelle sur un niveau de preuve important... Les résultats d’une étude de l’EORTC comparant dans les gliomes de bas grade la chimiothérapie (temozolomide) à la radiothérapie sont attendus en juin 2013. Peut-être clarifieront-ils la conduite à tenir !

De nouvelles thérapies ciblées pourraient bientôt voir le jour. Les progrès en biologie sont fulgurants : on découvrait il y a 4 ans une mutation du gène IDH dans 80 % des gliomes de bas grade ; on démontre aujourd’hui chez l’animal l’effet antitumoral de thérapies ciblant la protéine mutée…

La surveillance IRM, trimestrielle au début, devient semestrielle ensuite. La surveillance neurologique recherche des handicaps que la chimiothérapie ou la radiothérapie peut améliorer : troubles cognitifs, épilepsie mal contrôlée… Le but étant d’assurer une vie normale au patient le plus longtemps possible, avec ou sans traitement.

D’après un entretien avec le Dr François Ducray, Service de neuro-oncologie, Hôpital neurologique, Lyon.

Dr SOPHIE PARIENTÉ

Source : Bilan spécialistes