La famille ou le patient
C’est la famille d’une personne avec des difficultés cognitives ou des comportements insolites qui est le plus souvent à l’origine de la demande de soins mais parfois c’est le patient vieillissant lui-même qui alerte son médecin sur un fléchissement de ses capacités intellectuelles. Cette personne devra consulter, dans une consultation mémoire de proximité, un médecin spécialiste qui veillera à porter un diagnostic précis. Le suivi comporte deux volets : l’information avec l’annonce du diagnostic et la prise en charge avec la mise en place d’aides sanitaires et sociales. La symptomatologie des troubles déficitaires est évolutive : du déclin mnésique isolé, par exemple, à la grabatisation complète avec dégradation du langage et disparition de l’autonomie dans les besoins les plus élémentaires.
Il n’y a pas de traitement médicamenteux curatif. Les psychotropes sont utilisés pour amender les troubles comportementaux et les médicaments dits « anti-Alzheimer » pour leur capacité à ralentir, inconstamment, l’évolution de cette pathologie.
Quelques déterminants exercent un effet retardateur sur la survenue de troubles cognitifs dont l’absence de facteurs de risque vasculaire et le haut niveau culturel. Un soutien familial ou un réseau social de bonne qualité sont également des facteurs favorisant une évolution plus lente.
À quel moment faire l’annonce ?
L’annonce du diagnostic de maladie déficitaire et notamment d’une maladie d’Alzheimer peut exercer un effet bouleversant pour le patient et pour l’entourage lorsqu’il est vécu comme une menace pour l’identité familiale. Elle ne doit donc jamais être précipitée. Elle s’adresse d’abord au patient qui indiquera les personnes qui peuvent partager cette information.
La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des causes de syndrome déficitaire. La recherche étiologique comporte un examen clinique, un bilan neuropsychologique et des données d’imagerie cérébrale. Au terme de ce bilan, le diagnostic est envisagé avec une forte probabilité (le diagnostic de certitude ne peut être affirmé que par l’analyse cérébrale post-mortem). Avec des examens sanguins complémentaires, un EEG, une ponction lombaire, on établit un diagnostic différentiel. L’enjeu est la variation de l’évolution des troubles selon la maladie causale. Les données concernant une éventuelle possibilité de transmission génétique sont l’affaire de centres de référence (CMRR).
Compte tenu de la nécessité de disposer d’un bilan complet, il convient d’attendre les résultats de ce bilan avant l’annonce du diagnostic. Et, compte tenu de la variabilité des attentes de la famille et de l’entourage, d’évaluer précisément les possibles effets de cette annonce.
Quand l’annonce n’est pas souhaitée
Les situations où il peut être légitime de renoncer à l’annonce diagnostique sont rares et se résument à quelques situations médico-légales dans lesquelles la connaissance du diagnostic pourrait faire l’objet d’une utilisation abusive comme l’annulation de dispositions testamentaires récemment établies par le patient.
Une situation est en revanche fréquente : l’absence, manifestée par la famille et parfois par le patient, du désir de connaître la nature précise de ces troubles cognitifs.
Quand il s’agit du patient, cette absence de demande peut être reliée à une anosognosie qui englobe la méconnaissance de toutes les difficultés intellectuelles. Cette vacuité peut être aussi le signe d’un désinvestissement en rapport avec une affection dépressive.
Quand il s’agit de la famille, ce refus peut trouver son origine dans un souci de préserver l’équilibre familial, lorsque l’idée même d’une révélation est douloureusement appréhendée comme c’est le cas lorsqu’il existe un secret familial ou parce que le patient est supposé trop âgé pour pouvoir bénéficier de solutions thérapeutiques adaptées.
Enfin, vivre avec un malade déficitaire, c’est entrevoir son propre vieillissement et le temps qui passe car ce type de maladie engendre un déclin inexorable, parfois assez rapide mais surtout mesurable (« jusque-là, il pouvait faire cela, maintenant il ne peut plus… »). L’absence de certitude diagnostique est parfois vécue comme un rempart contre cette inéluctabilité.
Comment faire l’annonce au patient ?
Lorsque le diagnostic de maladie d’Alzheimer est posé, l’annonce doit être sincère et nuancée. « Il est probable que vous soyez affecté(e) par une maladie d’Alzheimer d’après l’évaluation de votre mémoire et de vos capacités intellectuelles. Votre suivi va s’organiser en lien avec des professionnels compétents. »
Parfois, une réaction dépressive est au premier plan. Elle tient au sentiment de transformation et d’irréalité, à la crainte d’être une charge ou à l’inquiétude de ne plus être conforme à l’image dont on espère être le porteur. L’amélioration thymique peut laisser place à un syndrome déficitaire résiduel.
Comment faire l’annonce à la famille ?
L’entourage entend par maladie d’Alzheimer un ensemble de troubles cognitifs ou du comportement qui ne correspond pas toujours aux critères neurologiques du médecin. Certains évoquent la maladie pour justifier la nécessité d’une institutionnalisation. Au contraire, c’est parfois très précocement avant la conclusion de toute exploration que la famille parle déjà de maladie d’Alzheimer pour désigner des troubles psychiatriques ou comportementaux d’une autre origine.
Le travail d’information vers les familles doit donc appréhender l’ambivalence des attentes de l’entourage, comprendre en quoi la survenue de cette pathologie peut exercer un effet traumatique ou déclencher des réactions de culpabilité et, enfin, respecter les affects agressifs ou surprotecteurs.
L’enjeu est de mieux prendre la mesure des possibilités d’investissement de chacun et/ou de laisser ces investissements se recomposer à la faveur des troubles cognitifs. La place du médecin est celle d’un médiateur favorisant les échanges et la verbalisation des ressentis sans jugement ni parti pris. Il lui appartient aussi d’admettre ses propres limites et la fragilité des ressources actuellement disponibles. Il doit ne pas confondre l’expression des affects de l’entourage avec une remise en cause des capacités.
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