« LA FRANCE est une sorte de boîte de Pétri épidémiologique, sourit le Pr Thibault Moreau, neurologue au CHU de Dijon, puisque située au sud de l’hémisphère Nord… » La prévalence de la SEP y connaît un gradient oblique nord-est/sud-ouest, de 100 à 50/100 000 habitants environ. Par rapport aux autres pays européens, la France est donc plutôt à haute prévalence : 130,5/100 000 pour les femmes et 54,8 pour les hommes selon les dernières données. La région Est est indéniablement la plus prévalente. Des chiffres qui sont corrélés à l’ensoleillement (ou à son absence). L’incidence est, elle aussi, plus élevée en France (8 pour 100 000 habitants, et plus particulièrement à l’Est, même s’il n’existe pas de vrai gradient, mais davantage des zones à haut et à bas risque).
Quant au sexe ratio de la maladie, il est toujours en défaveur des femmes, avec une incidence féminine croissante, et plus rapidement que pour les hommes.
Pour ce qui est de l’étiologie, on sait que la SEP est multifactorielle avec une prédisposition génétique (une centaine de gènes dont la majorité code pour des protéines qui sont impliquées dans le fonctionnement du système immunitaire). Les données épidémiologiques ont montré que, sur ce terrain prédisposé, l’environnement, et notamment l’urbanisation, jouait un rôle déterminant.
La mononucléose, condition nécessaire mais non suffisante
Ainsi, le virus d’Epstein-Barr (EBV) est celui qui est le plus significativement associé à la maladie : 100 % des patients SEP adultes sont infectés par EBV (contre 95,8 % pour le groupe contrôle) ; par ailleurs, 85 % des enfants SEP ont rencontré EBV, contre 50 % des enfants contrôle. Une infection à EBV semble par conséquent une condition nécessaire (bien que non suffisante) pour développer une SEP… Autre information, plus le titre d’anticorps est élevé et plus la probabilité de faire une SEP est forte. Cette association EBV/SEP étant indépendante du plus gros facteur de risque de SEP qu’est le HLA. « Le déficit de contrôle de l’EBV pourrait être médié par HLAB27 », suggère le Pr Renaud du Pasquier, neurologue à Lausanne.
Rechercher un déficit en vitamine D
De très nombreuses publications posent aujourd’hui la question du rôle de l’hypovitaminose D, facteur déclenchant et/ou facteur délétère dans le cours évolutif de la maladie.
La vitamine D en effet pénètre dans tous les organes, y compris les système immunitaire et nerveux, via des récepteurs spécifiques. Son métabolite actif serait protecteur vis-à-vis des infections, des maladies auto-immunes, des cancers, etc. À l’appui de cette probable pathogénie d’un déficit en vitamine D, des arguments épidémiologiques, génétiques, cliniques, etc.
Ce dont on est certain, c’est que les besoins en vitamine D sont supérieurs à ce que l’on disait jusqu’ici, le taux de 25(OH)D devant être au moins de 75 nmol/l (la zone physiologique étant à moins de 100 nmol/l). Et que les sources, ensoleillement (grâce aux UVB) et alimentation, sont souvent insuffisantes.
La latitude, mais encore l’ensoleillement ou le statut en vitamine D, influent le risque de SEP. Plus préoccupant, « l’imprégnation environnementale délétère liée à des situations de carence pourrait se manifester dès les générations précédentes par l’épigénétique et le système HLA, signale le Pr Charles Pierrot-Deseilligny, neurologue à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), au moment de la grossesse de la mère, dans l’enfance et l’adolescence, chez l’adulte jeune, bref sur la totalité de la période qui précède la maladie et pendant laquelle le risque de SEP pourrait être continuellement modulé par l’environnement ».
Au plan clinique, la grande majorité des patients SEP est en déficit de vitamine D, et lorsque la maladie évolue, le taux de vitamine D chute encore. Il influence également la fréquence des poussées. Un effet qui devrait être plus précisément mesuré au terme d’essais randomisés de phase II/III dont les premiers résultats sont attendus pour dans deux ans. Une étude observationnelle vient d’ores et déjà de confirmer qu’une supplémentation modérée en vitamine D (100 000 UI/mois), à l’origine d’une élévation de 50 nmol/l de la 25(OH)D, diminuerait de moitié le taux de poussées de patients rémittents. Le Pr Pierrot-Deseilligny a adopté depuis quatre ans maintenant ce traitement immunomodulateur de première ligne pour ses patients en hypovitaminose D, à raison d’une ampoule tous les mois.
* Fondation Arsep, pour l’Aide à la Recherche sur la SEP, www.arsep.org, à l’Institut des Cordeliers (Paris).
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