ON DISPOSE jusqu’à présent de quatre médicaments, trois appartenant à la classe des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase – le donépezil, la rivastigmine, la galantamine – et un inhibiteur des récepteurs glutamatergiques, la mémantine. Le communiqué de la HAS du 27 octobre 2011 a conclu à un intérêt thérapeutique faible de ces molécules dans la maladie d’Alzheimer et recommande donc de limiter leur prescription à un an, avec un renouvellement sous strictes conditions. Il rappelle aussi que la prise en charge de cette maladie ne se limite pas à une prescription médicamenteuse, mais doit bénéficier d’une approche globale.
Une remise en cause que l’état de la science ne justifie pas.
« Les recommandations ont été établies avec la participation de sociétés savantes qui avaient désigné les membres qu’elles jugeaient compétents et tout un travail avait été fait en amont. Leur remise en cause ne repose pas sur des arguments scientifiques, puisqu’aucune étude n’a contredit les premiers essais ayant amené la mise sur le marché, explique le Pr Jacques Touchon. Toutes les études étaient internationales, menées avec une bonne méthodologie et parfaitement cohérentes dans leurs conclusions puisqu’elles ont toutes montré les mêmes résultats, quelle que soit la classe médicamenteuse ». On savait parfaitement que ces médicaments ont une action uniquement symptomatique et qu’ils diminuent l’intensité des symptômes cognitifs – troubles de la mémoire, du langage, de l’attention – et troubles psychocomportementaux – apathie, isolement, voire hallucinations. Leur efficacité est certes modeste, mais n’a donc pas été invalidée par d’autres travaux. D’ailleurs une étude non diligentée par l’industrie pharmaceutique devrait paraître prochainement et démontrer une fois de plus que cet effet symptomatique est modéré, mais réel. Les précédentes recommandations de la HAS admettaient tout à fait les limites de ces médicaments et précisaient qu’elles devaient impérativement s’associer à une prise en charge non médicamenteuse, « des recommandations proches de la pratique quotidienne qui étaient correctement appliquées ce qui est loin d’être le cas pour toutes les recommandations » précise le spécialiste.
Il a été reproché à ces études de ne pas avoir eu une durée suffisante pour montrer l’efficacité et la sécurité de ces médicaments sur le long terme, la plupart des études s’étant arrêtées à six mois/un an. « Ce n’est que notre vécu clinique qui nous indique que l’arrêt de ces médicaments entraîne une baisse des possibilités d’autonomie du patient. Les recommandations ne précisaient pas la durée de traitement, qui doit être régulièrement réévalué mais on n’a aucun argument pour dire que le traitement n’est plus efficace après telle ou telle date » conclut le neurologue.
Un vide en attendant les prochaines recommandations.
On attend de nouvelles recommandations avant la fin de l’année, mais il aurait été plus cohérent qu’elles fassent la transition avec les anciennes plutôt que de décider que ces dernières sont obsolètes, dans une précipitation qui laisse un hiatus et des interrogations douloureuses pour les patients et leurs médecins ; des médecins qui connaissaient aussi les effets secondaires des médicaments, parfois graves, troubles digestifs surtout, qui peuvent amener l’arrêt du traitement, réactions cutanées, manifestations cardio-vasculaires et neuropsychiatriques, ainsi qu’un risque accru d’interactions médicamenteuses, surtout chez le sujet âgé polymédiqué. « Mais, a priori, quand un médicament se révèle dangereux après sa mise sur le marché, il est logique de le retirer, pas de menacer d’un déremboursement ».
D’après un entretien avec le Pr Jacques Touchon, Montpellier.
Conflits d’intérêt : Travaux de recherche académiques soutenus pour partie par l’industrie pharmaceutique et participation à des essais thérapeutiques menés par les laboratoires commercialisant les quatre médicaments indiqués dans la maladie d’Alzheimer.
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