PARMI les impacts sociétaux du diabète, celui sur le déclin cognitif est sûrement de loin le plus méconnu, mais peut être aussi le plus important. On pense d’abord au cœur, aux reins, aux yeux, aux jambes voire aux pieds avant de penser au cerveau du diabétique. Or le cerveau est un organe cible du diabète. Et si son explosion épidémiologique fait craindre, dans les années à venir, une flambée de la morbidité cardio-vasculaire, que dire de son impact sur les démences dans une population de plus en plus âgée !
Le diabète accélère en effet le déclin cognitif dès le plus jeune âge. Et les états dysglycémiques -diabète intolérance au glucose mais aussi syndrome métabolique- majorent le risque de démence vasculaire et de maladie d’Alzheimer. « Il est donc urgent de ne pas attendre pour prévenir, dépister, traiter le diabète en population pour réduire les démences. Avec une priorité à la prévention (1) (activité physique/diététique), stratégie la plus à même de réduire cette épidémie galopante liée à notre mode de vie qui touche des sujets de plus en plus jeunes », souligne le Dr Caroline Sanz (diabétologue, clinique Pasteur, CHU de Toulouse).
Des surrisques connus.
« C’est un fait aujourd’hui bien reconnu. Le diabète majore le risque de démence vasculaire et de maladie d’Alzheimer. Selon une revue publiée en 2006 (2) de 14 études longitudinales portant sur des diabétiques de type 2 de plus de 65 ans suivis 12-20 ans, le diabète de type 2 double le risque de démence vasculaire et augmente de 50 % le risque de maladie d’Alzheimer », résume le Dr Sanz. Si l’impact sur les démences vasculaires va de soi, vu les facteurs de risque, celui sur la maladie d’Alzheimer est moins clair. Pour certains, il serait lié à un impact du diabète sur la protéine bêta amyloïde. Pour d’autres, c’est en réduisant la « réserve cognitive » que le diabète vient majorer le risque de maladie d’Alzheimer. « Une hypothèse très convaincante, puisque de nombreux facteurs sociétaux, environnementaux -niveau d’éducation, activité… - agissant sur la réserve cognitive, modulent l’expression de la maladie d’Alzheimer, très variée pour un même niveau d’atteintes cérébrales objectives (imagerie). Alors que le diabète est lui-même associé à une accélération du déclin cognitif. »
Fonctions exécutives complexes.
De nombreuses études dont la dernière présentée au congrès de l’EASD 2012 ont montré une accélération du déclin cognitif chez les diabétiques de type 2 (3). « Réduire la prévalence du diabète et optimiser sa prise en charge, en particulier le contrôle glycémique, constitue donc un enjeu sociétal majeur puisque, se faisant, on peut probablement retarder de 4-5 ans la maladie d’Alzheimer. Avec à la clé un important bénéfice en termes d’incidence des démences -d’aucuns mourront avant d’être Alzheimer- mais aussi en termes de qualité de vie et de coût de santé publique », explique le Dr Sanz.
Une étude française a d’ailleurs montré que le déclin cognitif est déjà accéléré dans les états prédiabétiques (4). Quand l’étude DCCT a mis en évidence un lien entre équilibre glycémique (HbA1c) et évolution de la performance aux tests cognitifs chez des diabétiques de type 1 jeunes (18-25 ans) suivis durant 18 ans. Alors qu’en revanche, contrairement à ce que l’on tend à penser, les hypoglycémies sévères ne semblent pas accélérer le déclin cognitif (5). « Mais attention, ce sont essentiellement les fonctions de traitement de l’information et les fonctions exécutives complexes qui sont touchées. Le dépistage n’est donc pas aisé, les patients n’ont pas de problème de mémoire par exemple. Et cette altération vient compliquer l’éducation thérapeutique. Adapter la dose d’insuline, action complexe, sera encore plus difficile ! » souligne le Dr Sanz
(1) Knowler WC et coll. N Engl J Med. 2002 Feb 7;346:393-403.
(2) Biessels GJ et coll. Lancet Neurol. 2006;5:64-74.
(3) Spauwen SJJ et coll. OP 03, EASD 2012.
(4) Fontbonne A et coll. Diabetes Care. 2001 Feb;24(2):366-70.
(5) Jacobson AM et coll. N Engl J Med. 2007 May 3;356(18):1842-52. Erratum in: N Engl J Med. 2009 Nov 5;361(19):1914.
(6) Yaffe K et coll. JAMA. 2004;292:2237-425.
(7) Sanz C et coll. Diabetes Care 2012. In Press.
(8) BMJ 2010;341:c3885.
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