L’ETIOLOGIE DES morts soudaines inattendues (SUDEP, pour sudden unexpected death in epilepsy) est mal connue. Elles semblent résulter d’une crise d’épilepsie particulièrement sévère survenant dans un environnement défavorable. Le cas le plus typique est celui du patient épileptique dormant seul chez lui et qui, à l’occasion d’une crise, se retourne et, se retrouvant sur le ventre, ne récupère pas sa respiration. Les SUDEP surviennent surtout dans des épilepsies réfractaires qui touchent environ 100 à 150 000 sujets en France. Pour le Pr Philippe Ryvlin, plusieurs points méritent d’être soulignés. La fréquence des SUDEP a été longtemps sous-estimée et elles sont particulièrement dramatiques car elles surviennent surtout chez des adultes jeunes entre 17 et 45 ans ayant une épilepsie mal équilibrée. Dans cette population, le risque de SUDEP est d’environ 5 pour 1 000 par an. Pour des patients ayant une épilepsie depuis 20-25 ans, cela représente donc 1 à 2 « chances » sur 10 d’avoir une SUDEP au cours de leur vie. Autre point à signaler, jusqu’à présent, aucune mesure préventive n’avait permis de diminuer le risque de SUDEP.
Pourquoi une méta-analyse ?
Le Pr Ryvlin s’est proposé de répondre avec une métaanalyse à la question suivante : quand un patient a une épilepsie réfractaire, le fait de modifier le traitement et de le renforcer par l’ajout d’un traitement antiépileptique (AE) a-t-il un effet favorable ou défavorable sur le risque de SUDEP ?
Dans l’épilepsie réfractaire qui caractérise le patient continuant à faire des crises alors que le traitement est géré de façon a priori optimale, il est fréquent de modifier le traitement et il est logique de penser qu’en associant des AE, les crises seront mieux contrôlées et le risque de SUDEP diminué. Cependant, des études épidémiologiques ont suggéré une association entre le nombre de médicaments et le risque de SUDEP. En fait, ces constatations sont biaisées car les patients qui ont le plus de médicaments sont ceux qui ont l’épilepsie la plus grave. D’ailleurs, une métaanalyse très récente vient de conclure que c’est la sévérité de l’épilepsie qui est un facteur de risque et non le nombre de médicaments (1).
La métaanalyse réalisée par le Pr Ryvlin et son équipe (2) a regroupé 112 essais thérapeutiques de phase III, randomisés en double aveugle, réalisés dans le monde entier entre 1960 et 2011. Tous ces essais comparaient un nouvel AE (une vingtaine de molécules sont concernées) à un placebo chez des patients ayaant une épilepsie réfractaire et recevant un traitement de base. Le groupe traité était constitué des patients ayant reçu les médicaments et des doses ayant prouvé leur efficacité à l’échelle de la population. Le groupe comparatif regroupait les patients ayant reçu un placebo.
Des résultats sans équivoque.
Les conclusions de cette métaanalyse mettent en évidence une différence importante et hautement significative entre les deux groupes de patients puisque le risque de SUDEP est sept fois plus important dans le groupe placebo que dans le groupe traité. « Il est rare d’avoir un différentiel aussi net dans une étude de mortalité », souligne le Pr Ryvlin. « Ce différentiel ne pouvait se voir dans chaque étude individuellement car il s’agit d’études de courte durée (quelques semaines), dont la plupart ne rapportaient que 0 ou 1 décès. Seul, le regroupement des études a permis d’obtenir une telle différence entre les deux groupes. »
Comment interpréter ces résultats ?
Dans l’épilepsie réfractaire, les AE réduisent la fréquence des crises mais n’ont pas un effet majeur. Très peu de patients ont vu leurs crises disparaitre grâce au nouveau traitement. « Notre interprétation est que l’AE a un effet global qui diminue, en moyenne, la fréquence des crises et statistiquement le risque de SUDEP. Il est possible aussi que ce risque ait été augmenté chez les patients recevant un placebo. Les patients inclus dans ces essais sont souvent à un moment difficile de leur maladie et s’ils n’étaient pas entrés dans l’essai, il est probable que leur traitement aurait été modifié. »
Néanmoins, le risque de SUDEP qui est de 5 pour 1 000 par an chez un patient réfractaire au traitement est abaissé à 0,9 pour 1 000 par an lors de l’ajout d’un nouvel AE. Cela traduit vraisemblablement un effet propre à l’AE, même si ce dernier est d’une durée limitée et reste à préciser : quelques semaines ou quelques mois ? Ces résultats conduisent le Pr Ryvlin à conclure qu’aujourd’hui, optimiser le traitement AE chez les patients réfractaires semble diminuer le risque de SUDEP. « Il est important de le dire. Beaucoup d’entre nous considéraient jusqu’à présent qu’il valait mieux cesser d’essayer de nouveaux médicaments chez un patient réfractaire en raison des chances de succès limitées et des effets secondaires non négligeables. Il n’empêche qu’à défaut d’être efficace de manière cliniquement pertinente sur les crises, le changement de traitement tous les 3 ou 6 mois est susceptible de protéger de manière très efficace du risque de SUDEP. »
D’après un entretien avec le Pr Philippe Ryvlin, service de neurologie fonctionnelle et d’épileptologie, CHU de Lyon.
(1) Hesdorffer DC et coll. Do antiepileptic drugs or generalized tonic-clonic seizure frequency increase SUDEP risk? A combined analysis. Epilepsia 2012;53:249-52
(2) Ryvlin P et coll. Risk of sudden unexpected death in epilepsy in patients given adjunctive antiepileptic treatment for refractory seizures: a meta-analysis of placebo-controlled randomised trials. Lancet Neurol 2011;10(11):961-8.
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