L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne verra jamais le jour. Au grand regret du Dr Jean-Jacques Fraslin. Installé à moins de 3 kilomètres des pistes de Nantes Atlantique, à Bouguenais (Les Couëts), le médecin généraliste décrit les nuisances quotidiennes qu’il subit au cours de ses consultations. Fataliste, il n’envisage pas de déménager son cabinet, où il exerce depuis 1989. Mais il attend des pouvoirs publics des mesures fortes pour aider les riverains et les professionnels gênés par le survol des avions.
LE QUOTIDIEN. Comment avez-vous accueilli la décision du gouvernement d’annuler le transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes ?
DR JEAN-JACQUES FRASLIN. On s’en doutait. Il n’y avait pas un grand suspense depuis l’entrée au gouvernement de Nicolas Hulot. On savait qu’il était hostile au projet et qu’il n’y avait pas beaucoup d’espoir que ça se fasse. Il y a aussi des indices qui nous laissaient penser que la décision avait été prise il y a un certain temps déjà. Par exemple l’achat de terrains à proximité des pistes de l’aéroport actuel pour préparer un éventuel agrandissement. Ceux qui suivent le dossier localement savaient que c’était joué depuis longtemps. Le reste, c’est de l’habillage, de la manipulation.
Votre cabinet est situé dans l’axe des pistes, à moins de 3 kilomètres. Est-ce que cela perturbe vos consultations ?
Bien sûr. Les avions passent juste au-dessus du cabinet quand ils atterrissent. Le bruit est important, malgré un double vitrage très épais. Les beaux jours, on ne peut pas ouvrir les fenêtres, sinon on ne s’entend pas parler. On est obligé d’avoir la climatisation. Quand vous avez un Antonov An-124 (*) qui survole le cabinet, on ne s’entend plus ! Là vous n’avez plus le choix, Il faut s’arrêter. Il y a aussi la pollution liée au kérosène brûlé. Les toits sont noirs. Ce n’est pas très sain. C’est pire pour les habitants bien sûr, qui subissent tous ces désagréments en permanence, y compris le week-end. Ils sont obligés de vivre fenêtres fermées. Et puis il y a les écoles, construites à deux pas des pistes ! Au collège de Neustrie, il a fallu encapsuler le bâtiment dans une cage de verre pour l’isoler du bruit.
Vous n’envisagez pas de déménager ?
Non. Je me suis installé ici en 1989. À l’époque, c’était la campagne. Le trafic de l’aéroport était beaucoup moins important et il n’y avait pas toutes ces nuisances. Le problème, c’est que ça fait plus de trente ans qu’on entend parler d’un transfert de l’aéroport. L’urbanisme s’est développé, on a construit des écoles, des logements, en pensant que ça allait se faire.
Comment envisagez-vous l’avenir avec la possible extension de l’aéroport de Nantes Atlantique ?
Il va falloir insonoriser le cabinet. Cela représente un investissement important. Les habitants bénéficient d’aides financières pour isoler leur logement, mais en tant que professionnels libéraux, nous n’y avons pas droit. J’espère que cela va changer. Il y a de nombreux professionnels concernés dans les environs, kiné, pharmacien, dentiste… Et puis maintenant que la décision est prise d’annuler le transfert, il faut repenser entièrement l’organisation urbaine de la zone. Déplacer les écoles et les zones pavillonnaires, les remplacer par des bureaux bien isolés… Prolonger la ligne de tramway pour desservir l’aéroport, construire des parkings. Toute la zone est envahie par les voitures, jusque dans les jardins des habitants.
Comment réagissent vos patients ?
Les avis sont assez partagés. Il y a ceux qui travaillent à l’aéroport, chez Airbus ou pour les sous-traitants. Ceux-là ne voulaient pas voir l’aéroport partir. Par contre, dans le village de Saint-Aignan-Grandlieu, qui est situé en bout de piste, les gens sont furieux. Ils ont vu que 150 zadistes ont réussi à bloquer le transfert. Ils s’opposeront à tout projet d’extension de Nantes Atlantique.
Cette affaire vous laisse un goût amer…
Oui, car je trouve qu’on n’a pas assez écouté les riverains de l’aéroport. Il y a près de 45 000 personnes qui subissent tous les jours les nuisances des avions. La presse ne leur a presque pas donné la parole, alors qu’elle a beaucoup parlé des malheurs de la ZAD. Le traitement a été très déséquilibré. Je pense que ça a joué dans la décision du gouvernement.
(*) Le deuxième plus gros avion au monde produit en série, selon Wikipedia. Il survole deux fois par semaine l'aéroport de Nantes Atlantique.
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