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Dossier

SPF 2022

Asthme, premières recommandations spécifiques pour les adolescents

Par Hélène Joubert - Publié le 20/06/2022
Asthme, premières recommandations spécifiques pour les adolescents


BURGER/PHANIE

Le congrès annuel des sociétés de pédiatrie (SPF, Lille 1-3 juin) a été l’occasion de revenir sur les nombreuses recommandations pédiatriques parues depuis le début de l'année. Avec notamment un focus sur les premières guidelines dédiées spécifiquement à l’asthme des adolescents. Pour ces jeunes patients, les experts appellent à être particulièrement exigeant en termes de contrôle de la maladie afin de préserver au maximum leur fonction pulmonaire. Également présentées à Lille, de nouvelles recos sur la prévention primaire de l’allergie à l’arachide et la supplémentation en vitamine D.

C’est une première : des recommandations pour la prise en charge de l’adolescent asthmatique (≥ 12 ans) viennent de paraître, sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A). Parce que l’adolescent n’est plus stricto sensu un enfant, et pas encore un adulte, des guidelines spécifiques étaient nécessaires, prenant en compte les caractéristiques de cette période particulière de la vie (changements physiques, cognitifs et sociaux, dysfonction respiratoire liée à une dyskinésie des cordes vocales ou syndrome d’hyperventilation, début du tabagisme, approche émotionnelle particulière, vision à court terme, etc.).

Si les pédiatres se sont emparés du sujet, c’est aussi parce que l’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’adolescent et que sa progression dans cette tranche d’âge ne semble pas s’arrêter. Selon Santé publique France, en 2016-2017, 12 % des adolescents de classe de 3e avaient présenté au moins un épisode symptomatique ou avaient été traités pour asthme dans l’année, contre 8,6 % en 2003-2004 et 9,7 % en 2008-2009. Au travers de ces recommandations dédiées, qui ont été présentées lors du Congrès des sociétés de pédiatrie (Lille, 1er au 3 juin), « nous espérons avoir délivré des messages applicables par tous les acteurs (médecins traitants, pédiatres, spécialistes), car les adolescents asthmatiques doivent être suivis », insiste le Dr Antoine Deschildre (CHU de Lille), coordinateur du groupe d’experts. Alors que les hospitalisations chez l’adolescent asthmatique ne s’infléchissent pas (10 % des hospitalisations pour crise d’asthme surviennent chez les 10-19 ans) et que le risque de décès existe encore (13 en 2016), « la mort d’un adolescent est presque toujours directement liée à un défaut dans le parcours de soins », déplore le pneumopédiatre.

Des objectifs ambitieux

Dans ce contexte, les recommandations proposent des objectifs de prise en charge plutôt ambitieux. La nouvelle feuille de route met notamment l’accent sur le bon contrôle de l’asthme, défini par moins de deux épisodes de symptômes diurnes par semaine, aucun réveil nocturne lié à l’asthme, moins de deux traitements de secours par semaine et aucune limitation des activités à cause de l’asthme. Si un ou deux items ne sont pas présents au cours des quatre dernières semaines, le contrôle est jugé partiel. Au-delà, le mauvais contrôle de l’asthme est patent.

Afin d’affiner cette évaluation, les experts encouragent le recours aux scores de contrôle, en particulier le score ACT, en cinq questions, qui explore la gêne au quotidien, l’essoufflement, les symptômes typiques, l’utilisation du traitement de secours ainsi qu’une évaluation personnelle subjective. « Un score ACT supérieur ou égal à 20 confirme un asthme contrôlé, mais nous proposons chez l’adolescent de viser encore plus haut, au moins  22, pointe Antoine Deschildre. Car nous estimons que l’adolescence est une période où il faut rechercher l’optimum en matière de contrôle de l’asthme. »

L’adolescence est une période où il faut rechercher l’optimum en matière de contrôle de l’asthme - Dr Antoine Deschildre (Lille)

Outre le bon contrôle de la maladie, les experts invitent à traquer les exacerbations et à les prévenir grâce au traitement en identifiant les facteurs associés au risque de « crise » d’asthme (survenue d’une crise ou plus au cours des 12 derniers mois, mauvaise observance, technique d’inhalation incorrecte et utilisation de plus d’un dispositif de bronchodilatation de courte durée d’action tous les un à deux mois).

L’objectif est d’amener l’adolescent à l’âge adulte avec une fonction normale ou la meilleure possible. Dans ce contexte, la réalisation d’explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) est non seulement recommandée au moment du diagnostic mais aussi ultérieurement selon une périodicité ajustée au niveau de sévérité de l’asthme, rappellent les recommandations.

Une stratégie palier par palier

Sur le plan médicamenteux, à l’instar de ce qui est préconisé chez l’adulte, le premier traitement de fond repose sur les corticostéroïdes inhalés (CSI) associés si besoin à un second traitement de fond, de manière privilégiée un bronchodilatateur de longue durée d’action. L’alternative, mais avec un niveau de preuve bien inférieur, est l’usage des anti-leucotriènes, dont les effets neuropsychiques sont à surveiller.

Quant au traitement d’urgence, la priorité va aux bronchodilatateurs de courte durée d’action à la demande, quel que soit le palier. L’association budésonide (à dose faible)-formotérol peut être envisagée dans certains asthmes modérés.

Chez l’adolescent ayant un asthme contrôlé ou pauci­symptomatique (palier 1), il est recommandé l’utilisation d’un bronchodilatateur de courte durée d’action à la demande. En cas d’asthme léger mais symptomatique (palier 2), des CSI à faible dose (100-320 µg/j budésonide ; 100-200 propionate de fluticasone) sont conseillés. En cas de manifestations cliniques sous traitement de palier 2, les experts conseillent l’utilisation (palier 3) d’une association CSI faible dose-bronchodilatateurs de longue durée d’action comme traitement de fond en première intention. L’association budésonide (dose faible 100, 160 ou 200 microgrammes/dose)-formotérol en traitement de fond, mais également en secours, peut être une alternative chez certains patients (voir encadré). Les CSI à dose moyenne ou l’association des CSI à dose faible et d’anti-leucotriènes sont une option de seconde intention.

En cas de manifestations cliniques sous traitement de palier 3, le traitement recommandé dans le cadre d’un palier 4 est l’association de CSI à dose moyenne (400-600 µg/j budésonide ; 250-500 µg/j propionate fluticasone) et d’un bronchodilatateur de longue durée d’action. L’association budésonide (dose moyenne)-formotérol en traitement de fond et de secours est, là aussi, envisageable.

« Lorsque le contrôle de l’asthme est insuffisant sous traitement de palier 4, un avis auprès d’un pneumopédiatre ou d’un centre expert est conseillé, précise Antoine Deschildre, ce qui se traduit par une forte consommation de bronchodilatateurs de courte durée d’action, la prise répétée de corticoïdes oraux (crises traitées par cures courtes deux fois ou plus par an), une hospitalisation ou plus pour crise par an, et un antécédent d’hospitalisation en USIP pour asthme aigu grave. » Se posera alors la question de prescrire une des biothérapies, qui ont révolutionné la prise en charge des asthmes sévères. Trois sont disponibles chez l’adolescent, en association au traitement inhalé de fond : l’omalizumab (anti-IgE) dans l’asthme sévère allergique, le mépolizumab (anti-IL5) dans l’asthme sévère éosinophilique et le dupilumab (anti-IL-4 et 13) dans les asthmes associés à une inflammation de type 2.

Les paliers thérapeutiques ne sont pas figés et l’objectif est de réduire la pression thérapeutique en cas de contrôle durable. Et globalement, « au moins les deux tiers des adolescents asthmatiques ont une maladie qualifiée de "légère" (paliers 1 et 2) et les doses faibles à modérées de CSI sont suffisantes chez la plupart d’entre eux, insiste le Dr Deschildre. L’efficacité des CSI au-delà de 200-250 microgrammes d’équivalent propionate de fluticasone atteint rapidement un plateau, d’où un bénéfice sur les symptômes comme la fonction respiratoire modeste pour des doses supérieures, alors que le risque d’effets indésirables augmente. »

La collaboration du jeune indispensable

Au-delà de l’escalade thérapeutique, en cas de mauvais contrôle de l’asthme, « considérer l’environnement est aussi important, en termes d’allergènes, d’exposition au tabac, de pollution intérieure, d’humidité… », poursuit le spécialiste.

En gardant toujours à l’esprit que tout repose finalement sur la collaboration de l’adolescent. Or « il est facile de perdre de vue un adolescent dans le suivi de son asthme », fait remarquer Antoine Deschildre. Pour trouver un point d’accroche concret et motivant, « l’astuce peut être de comprendre ses symptômes respiratoires et leur retentissement dans son quotidien ».

Asthme léger, le salbutamol garde sa place en traitement de crise
Proposé dans les recommandations internationales du GINA dès 12 ans et dans celles la SPLF pour les adultes, le remplacement du traitement de secours par salbutamol par une bithérapie budésonide-formotérol à la demande dans les asthmes légers (palier 2) a fait couler beaucoup d’encre et reste controversé. Mais, pour les auteurs des nouvelles recos sur l’asthme de l’ado, les données de la littérature ne supportent pas cette stratégie car elles sont insuffisantes et émaillées de biais. De plus, « le recul manque encore sur son utilisation en vie réelle et sur l’attitude à adopter justement en cas de crise, appuie le Dr Antoine Deschildre. En outre, les adolescents utilisant souvent un traitement préventif des symptômes d’effort par broncho­dilatateur de courte durée d’action, on augmenterait finalement l’exposition aux CSI. Enfin, il faut maîtriser la forme poudre et cette association ne dispose pas d’AMM en Europe. »
Cette stratégie n’a donc pas été retenue dans les nouvelles guidelines, et le recours aux bronchodilatateurs de courte durée d’action reste la règle (associés pour le palier 2 à des CSI dose faible) en traitement de crise.
En revanche, pour les asthmes modérés (paliers 3 et 4), chez les patients qui présentent un contrôle ponctuellement insuffisant sous traitement combiné, l’utilisation d’une bithérapie budésonide-formotérol peut être proposée en traitement unique de fond et de secours, dans l’optique d’une protection vis-à-vis des crises.